Mohand Tahar Tazerout
(Suite des précédents messages)
UN ÉRUDIT GERMANOPHOBE
Cette sentence est à rapprocher de celle de Ben M’hidi
quand il répondait à un journaliste qui lui faisait remarquer que des innocents
peuvent être atteints par les attentats à la bombe par le FLN.
Dans son livre L’Islam et les Musulmans de France, l’islamologue
et historien Sadek Sellam dresse un portrait de Tazerout qui a tenté d’établir
une sorte de théorie du progrès des anciennes peuplades des steppes de l’Asie
centrale à la coexistence pacifique des deux blocs. Tazerout oppose à la
constante violence de l’Occident qui
utilise la poussée vers l’extérieur (croisades, expansion coloniale), pour
maintenir ses exploitations, la constante d’assimilation de l’Orient. «L’Islam
a intégré de nombreux apports étrangers et constitue de nouvelles communautés
avec les peuples convertis.
Tazerout souhaite que l’Islam moderne accepte au niveau
de la philosophie et du droit des révisions, ce qui l’enrichirait en
l’assouplissant.» Car, selon notre philosophe, «le message coranique dépasse en
largeur de vue toute l’histoire musulmane et son culte religieux ou sa
législation sociale.»
Voilà un appel à l’Ijtihad, à l’ouverture de l’Islam à
l’universel pour mieux maintenir son originalité. C’est sans doute pourquoi, à
l’issue d’une interview et à la question posée par le chercheur Rachid Benaïssa
relative au message que Tazerout voudrait passer aux jeunes, celui-ci répondit
spontanément : «Ne rougissez pas d’être Musulmans…». Tazerout décédera le
vendredi 23 novembre 1973 à Tanger, ville où il a élu domicile pour sa retraite…
Pourquoi ce choix ? Est-ce seulement pour apaiser l’exil
en éprouvant une curieuse solitude ? Où est-ce un moyen de se ramasser pour
tenter d’effacer les vieilles douleurs ? Pourtant, Tazerout avait habitude de
dire : «Là où on est capable d’aimer et d’être émerveillé, là est notre lieu.»
Et Tanger, ville internationale cosmopolite, multiculturelle, plurielle, foyer
du nationalisme qui a accueilli Chakib Arslan, Delacroix, Kessel, Dumas,
Churchill et Tahar Bendjelloun n’est-elle pas toutindiquée ? D’autant que c’est
d’ici que commença la conquête d’El Andalous par Okba Ibn Nafaâ et Tarik Ibn
Ziad. Et puis, n’est-ce pas dans ces lieux, dans ce paradis perdu irréversible
qu’est né un des personnages les plus célèbres de la ville, le grand voyageur
Ibn Batouta ? C’est peut-être pour toutes ces raisons que Tazerout a posé ses
bagages ici : pour l’éternité…
Hamid Tahri
El Watan le 30.04.15
*Illustration Daboudj1948
...A suivre
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