Nouvelle Calédonie
(Troisième partie)
La déportation
L’arrêt rendu public le 19 avril 1873 par la cour d’assises de Constantine « condamnait Cheikh Aziz à la déportation, Cheikh M’hamed à cinq ans de réclusion et Cheikh ElHaddad à cinq ans de détention ,Cheikh Aziz avait d’abord été condamné à mort mais étant membre de la légion d’honneur, il lui sera fait application de l’article 43 du décret du 16 mars 1852 et sa peine sera commuée en déportation .
Il embarquera pour la Nouvelle-Calédonie le 31 août 1874, la traversée durait cinq mois et les déportés étaient enfermés dans des cages en fer, l’analyse de rapports médicaux, souligne que de nombreux détenus mouraient, au cours de cette traversée, de phtisie, du scorbut ou se laissaient mourir d’inanition, ne réclamant aucun soin médical.
A l’île des Pins où ils sont détenus, Cheikh Aziz et les insurgés kabyles côtoient d’autres insurgés, *les Communards, auxquels une étroite solidarité les unit.
D’autres formes de solidarité seront perceptibles pendant cette déportation comme celle qui se manifeste entre les colonisés : lors d’une révolte *canaque qui éclata en 1878, Cheikh Aziz Aḥeddad, contrairement à Boumezrag At Meqqran, prit le parti des insurgés, refusant tout concours aux autorités françaises.
Une loi d’amnistie générale fut promulguée à Paris le 11 juillet 1880 ; cependant, face aux revendications des détenus algériens, elle fut suivie le 21 avril 1881 d’une circulaire ministérielle destinée à en restreindre la portée : cette amnistie ne s’applique qu’aux « seuls faits insurrectionnels survenus sur le territoire métropolitain, autrement dit, seuls les Communards étaient amnistiés.
Les déportés kabyles furent graciés avec obligation de résidence, c’est-à-dire avec interdiction de retourner en Algérie, Cheikh Aziz Aḥeddad décida alors de s’évader.
Entrée du camp
*Le mouvement communard est né suite à un soulèvement des Parisiens le 18 mars 1871. L’élection d’un Conseil général de la commune de Paris est organisée (290 000 votants sur 485 000 inscrits); il se compose de 90 membres dont 23 modérés qui démissionnent rapidement. Ce conseil s’illustre comme un contre-gouvernement autonome où dix commissions remplacent les ministères. Celui-ci est dominé par l’extrême gauche où plusieurs groupes sont représentés : jacobins centralisateurs, blanquistes, marxistes internationalistes, indépendants et anarchistes.
Les communards veulent une république fédéraliste, démocratique et sociale avec une autonomie absolue des communes de France, une séparation de l’Église et de l’État. Cependant, si le mouvement communard perdure à Paris, des grandes villes de France comme Marseille, Lyon, Toulouse, Narbonne voient le mouvement s’essouffler et devenir bref. Il faut dire que, de Versailles, la propagande d’Adolphe Thiers provoque dans les campagnes des révoltes contre le mouvement.
À Paris, les communards sont environs 200 000 dont 30 000 opérationnels. Lors de la bataille finale de la semaine sanglante, le 28 mai 1871, des centaines de communards sont tués. Sur 36 000 communards arrêtés, 4 500 seront emprisonnés, 7 500 seront déportés (principalement en Nouvelle-Calédonie) et 10 000 condamnations ont été prononcées : 93 ont eu la peine capitale dont 23 exécutions.
En 1871, le camp de Satory dans les Yvelines fut le lieu d'exécution de nombreux communards qui y furent fusillés.
L’amnistie des communards est proclamée en 1880 et permet aux communards déportés de revenir en France, la défaite des communards a touché le monde ouvrier.
Affiche communard
Ataï
En 1878, il déclare au gouverneur français Olry à Teremba, en déversant d'abord un sac de terre:
« Voilà ce que nous avions », et ensuite déversant un sac de pierres: « Voici ce que tu nous laisses ». Au gouverneur qui lui conseille de construire des barrières pour protéger ses cultures des dégâts commis par le bétail des colons, il répond:
« Lorsque les taros [des légumes] iront manger les bœufs, je construirai des barrières. » Ses efforts pour s'entendre avec les Blancs ayant été vains, Ataï choisit la lutte armée.
Le pouvoir colonial réussit à s'assurer le soutien d'autres tribus canaques, en particulier les Baxéa de Canala, contre Ataï et ses partisans.
Sans ces auxiliaires, il ne pouvait poursuivre un ennemi qui se fondait dans la nature, l’insurrection met à feu et à sang le centre-ouest de la Grande Terre.
Ataï se battra jusqu'à la mort, il est tué au combat le 1er septembre 1878 à Fonimoulou par un traître canaque, le Canala Segou, de la colonne Le Golleur-Gallet formée de Canaques, de francs-tireurs (des déportés politiques), de Mercury (déportés de droit-commun dirigés par Mercury, un surveillant du bagne).
Une seconde version de sa mort, Ataï, fut tué le 30 septembre 1878 et décapité, et c'est dans cette tête volée, envoyée à Paris, exposée au musée de l'Homme, que résidait la conscience d'un peuple.
Un siècle plus tard, son exemple engendra d'autres révoltes.
*Kanake,(ou Kanak) le terme viendrait à l'origine du mot hawaïen « kanaka » signifiant « homme », il peut aussi être un dérivé du nom « Téin Kanaké » qui signifie le premier (Tein) homme (kanaké), ce nom est issu des contes et légendes kanak sur l'arrivée des premiers hommes en Nouvelle-Calédonie.
Il se généralisa par la suite, à l'initiative des navigateurs et marchands européens, sous la graphie « canaque » à l'ensemble du Pacifique, pour désigner plus particulièrement les populations autochtones de ce qu'on appelle traditionnellement la Mélanésie, bien que certains récits du XIXe siècle l'utilisent également à propos des Marquisiens ou des Pascuans.
Toujours est-il que le terme prit peu à peu un sens plus ou moins péjoratif pour ne désigner que les populations autochtones de Nouvelle-Calédonie.
À partir des années 1970, les autochtones se le réapproprièrent en le « re-océanisant » sous la graphie « kanak ». Le terme est aujourd'hui empreint d'une forte charge identitaire et est devenu l'un des symboles des revendications culturelles et politiques des néo-calédoniens autochtones.
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