(Suite des précédents articles)
Quelques articles de presse outre- Méditerranée.
Le chanteur algérien Amar Ezzahi est mort
Figure cardinale du chaâbi, la musique populaire algéroise,
l’artiste s’est éteint mercredi 30 novembre, à l’âge de 75 ans.
Le chanteur de chaâbi, Amar Ezzahi.
Amar Ezzahi est « parti » et les rues d’Alger furent
envahies, raconteront sans doute encore pendant longtemps les Algérois, ceux
qui ont fait la popularité de ce chanteur adulé. Il est mort dans l’après-midi
du mercredi 30 novembre à son domicile, quartier Rampe-Vallée, à Alger, à l’âge
de 75 ans. Ses obsèques, au cimetière d’El Kettar, sur les hauteurs de la
ville, le lendemain, ont provoqué un déferlement humain dans la capitale
algérienne. Dès l’annonce de son décès, déjà, des centaines de fans s’étaient
rassemblés devant son domicile où s’est rendu le ministre de la culture,
Azzedine Mihoubi.
Amar Ezzahi (« le joyeux »), de son vrai nom Amar Aït Zaï,
est né en 1941, dans la région berbère de Kabylie, dans le nord de l’Algérie.
Il était l’un des interprètes les plus adulés du chaâbi, qu’il chantait en
s’accompagnant d’une mandole (instrument à cordes) et qu’il avait découvert
dans les années 1960, avec Boudjemaâ El Ankis (1927-2015).
Pour Rabah Mezouane (IMA), le chaâbi est « une musique qui a
un texte significatif fort et très poétique »
Genre populaire algérois, issu de l’arabo-andalou, le chaâbi
est apparu au cours des années 1920 dans les tavernes et les fumeries de la
casbah d’Alger. Il devient également, par la suite, le chant des chanteurs
exilés tels que Slimane Azem (1918-1983), El Hasnaoui (1910-2002) ou Dahmane El
Harrachi (1925-1980), figure notoire de ce style plutôt mélancolique, auteur et
compositeur du signifiant succès transgénérationnel Ya Rayah (« Le partant »),
que popularise Rachid Taha (en le reprenant notamment sur son album Diwân, en
1998).
« Genre national toujours vivace, le chaâbi est très
apprécié par l’ensemble des Algériens, toutes générations confondues, explique
Rabah Mezouane, programmateur à l’Institut du monde arabe (IMA), à Paris. C’est
une musique qui a un texte significatif fort et très poétique. En faisant
souvent appel à des choses très anciennes, des proverbes, des maximes, elle
ressuscite tout un fonds de patrimoine. »
Une musique des humbles
On a souvent dit qu’Alger est au chaâbi ce que Kingston est
au reggae, Chicago au blues, Athènes au rébétiko, Oran au raï. Une musique des
humbles. Amar Ezzahi était un homme humble. Il a mené une vie d’ascète. Orphelin,
il n’avait ni femme ni enfants et avait toujours refusé, dit-on, d’encaisser
ses droits d’auteur. Il boudait les médias et fuyait les projecteurs. «
Modeste, réservé, il se confiait peu, n’avait jamais traversé la Méditerranée.
J’ai plusieurs fois tenté de le faire venir à l’IMA. J’aurais pu remplir dix
soirs de suite. Il n’y a pas eu moyen de le décider. Récemment, le président
Bouteflika avait proposé de prendre en charge son voyage pour qu’il vienne se
faire soigner en France », poursuit Rabah Mezouane, fan absolu d’Amar Ezzahi («
Il avait une voix, un style, qui n’appartenaient qu’à lui »). Le chanteur n’a
pas bougé. Inutile de chercher son nom sur le programme du festival de chaâbi
organisé à Bobigny (Seine-Saint-Denis) en 2002, ni aux soirées chaâbi que
proposa à deux reprises le Printemps de Bourges.
Hormis sur quelques compilations consacrées au genre, son
nom est désespérément absent
Quant à trouver ses disques, là encore, c’est quasi perdu
d’avance. Hormis sur quelques compilations consacrées au genre, son nom est
désespérément absent. En Algérie, l’homme n’était guère plus exposé. Il a
enregistré quelques 45 tours, dont le premier, en 1968, avec les deux chansons
qui vont le révéler, Ya djahel leshab et Ya el adraâ, puis à peine plus de 33
tours et une seule cassette.
Artiste de scène, alors ? Même pas. Le seul concert officiel
fut celui qu’il donna à Alger, le 10 février 1987, à la salle Ibn Khaldoun. En
revanche, il répondait présent quand on le sollicitait pour des fêtes
familiales. « Ses fans le suivent dans les fêtes de famille, et enregistrent sa
musique, qu’ils copient et vendent à plusieurs milliers d’exemplaires, en
attendant de lui le cadeau tant espéré : qu’il se décide enfin à leur offrir un
concert public… », peut-on lire dans l’édition du 1er décembre du quotidien Le
Matin d’Algérie. Il a été enterré au cimetière El Kettar, à Alger, près d’El
Hadj M’Hamed El Anka, précurseur et maître respecté du chaâbi, décédé en 1978.
La soirée chaâbi – à guichets fermés – avec Abdelkader Chaou et Kamel Aziz, à
l’Institut du monde arabe (IMA), samedi 3 décembre, lui est dédiée.
Amar Ezzahi en quelques dates
1er janvier 1941
Naissance à Aïn El Hammam, en Kabylie.
1968
Premier 45t.
1976
Enregistre ses deux premiers albums.
1987
Récital à Alger.
30 novembre 2016
Mort à son domicile, à Alger.
Patrick Labesse
Journaliste au
Monde
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