lundi 5 décembre 2016

Mon Ami Amar...






 (Suite des précédents articles)




Quelques articles de presse outre- Méditerranée.




Le chanteur algérien Amar Ezzahi est mort

Figure cardinale du chaâbi, la musique populaire algéroise, l’artiste s’est éteint mercredi 30 novembre, à l’âge de 75 ans.

Le chanteur de chaâbi, Amar Ezzahi.
Amar Ezzahi est « parti » et les rues d’Alger furent envahies, raconteront sans doute encore pendant longtemps les Algérois, ceux qui ont fait la popularité de ce chanteur adulé. Il est mort dans l’après-midi du mercredi 30 novembre à son domicile, quartier Rampe-Vallée, à Alger, à l’âge de 75 ans. Ses obsèques, au cimetière d’El Kettar, sur les hauteurs de la ville, le lendemain, ont provoqué un déferlement humain dans la capitale algérienne. Dès l’annonce de son décès, déjà, des centaines de fans s’étaient rassemblés devant son domicile où s’est rendu le ministre de la culture, Azzedine Mihoubi.

Amar Ezzahi (« le joyeux »), de son vrai nom Amar Aït Zaï, est né en 1941, dans la région berbère de Kabylie, dans le nord de l’Algérie. Il était l’un des interprètes les plus adulés du chaâbi, qu’il chantait en s’accompagnant d’une mandole (instrument à cordes) et qu’il avait découvert dans les années 1960, avec Boudjemaâ El Ankis (1927-2015).
Pour Rabah Mezouane (IMA), le chaâbi est « une musique qui a un texte significatif fort et très poétique »

Genre populaire algérois, issu de l’arabo-andalou, le chaâbi est apparu au cours des années 1920 dans les tavernes et les fumeries de la casbah d’Alger. Il devient également, par la suite, le chant des chanteurs exilés tels que Slimane Azem (1918-1983), El Hasnaoui (1910-2002) ou Dahmane El Harrachi (1925-1980), figure notoire de ce style plutôt mélancolique, auteur et compositeur du signifiant succès transgénérationnel Ya Rayah (« Le partant »), que popularise Rachid Taha (en le reprenant notamment sur son album Diwân, en 1998).

« Genre national toujours vivace, le chaâbi est très apprécié par l’ensemble des Algériens, toutes générations confondues, explique Rabah Mezouane, programmateur à l’Institut du monde arabe (IMA), à Paris. C’est une musique qui a un texte significatif fort et très poétique. En faisant souvent appel à des choses très anciennes, des proverbes, des maximes, elle ressuscite tout un fonds de patrimoine. »
Une musique des humbles

On a souvent dit qu’Alger est au chaâbi ce que Kingston est au reggae, Chicago au blues, Athènes au rébétiko, Oran au raï. Une musique des humbles. Amar Ezzahi était un homme humble. Il a mené une vie d’ascète. Orphelin, il n’avait ni femme ni enfants et avait toujours refusé, dit-on, d’encaisser ses droits d’auteur. Il boudait les médias et fuyait les projecteurs. « Modeste, réservé, il se confiait peu, n’avait jamais traversé la Méditerranée. J’ai plusieurs fois tenté de le faire venir à l’IMA. J’aurais pu remplir dix soirs de suite. Il n’y a pas eu moyen de le décider. Récemment, le président Bouteflika avait proposé de prendre en charge son voyage pour qu’il vienne se faire soigner en France », poursuit Rabah Mezouane, fan absolu d’Amar Ezzahi (« Il avait une voix, un style, qui n’appartenaient qu’à lui »). Le chanteur n’a pas bougé. Inutile de chercher son nom sur le programme du festival de chaâbi organisé à Bobigny (Seine-Saint-Denis) en 2002, ni aux soirées chaâbi que proposa à deux reprises le Printemps de Bourges.
Hormis sur quelques compilations consacrées au genre, son nom est désespérément absent

Quant à trouver ses disques, là encore, c’est quasi perdu d’avance. Hormis sur quelques compilations consacrées au genre, son nom est désespérément absent. En Algérie, l’homme n’était guère plus exposé. Il a enregistré quelques 45 tours, dont le premier, en 1968, avec les deux chansons qui vont le révéler, Ya djahel leshab et Ya el adraâ, puis à peine plus de 33 tours et une seule cassette.

Artiste de scène, alors ? Même pas. Le seul concert officiel fut celui qu’il donna à Alger, le 10 février 1987, à la salle Ibn Khaldoun. En revanche, il répondait présent quand on le sollicitait pour des fêtes familiales. « Ses fans le suivent dans les fêtes de famille, et enregistrent sa musique, qu’ils copient et vendent à plusieurs milliers d’exemplaires, en attendant de lui le cadeau tant espéré : qu’il se décide enfin à leur offrir un concert public… », peut-on lire dans l’édition du 1er décembre du quotidien Le Matin d’Algérie. Il a été enterré au cimetière El Kettar, à Alger, près d’El Hadj M’Hamed El Anka, précurseur et maître respecté du chaâbi, décédé en 1978. La soirée chaâbi – à guichets fermés – avec Abdelkader Chaou et Kamel Aziz, à l’Institut du monde arabe (IMA), samedi 3 décembre, lui est dédiée.
Amar Ezzahi en quelques dates

1er janvier 1941
Naissance à Aïn El Hammam, en Kabylie.

1968
Premier 45t.

1976
Enregistre ses deux premiers albums.

1987
Récital à Alger.

30 novembre 2016
Mort à son domicile, à Alger.

    Patrick Labesse
    Journaliste au Monde




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