Taboudoucht...Ighil Mahni
Taboudoucht en médaillon Hadj Mohamed Issiakhem
(Suite des précédents messages)
...En tout, 1645 paires de pataugas, 300 tenues militaires. Au
total, la facture s’est élevée à 2 millions 140 444 de francs de mes propres
deniers. C’est Mansour (Boudoukhane) toujours vivant qui les réceptionnait.
Comment ? Il a fallu inventer un stratagème. Le nommé Aouadi, un gars de Oued
Souf, travaillait chez moi. Il avait des parents qui en faisaient de même chez
les grossistes importants ; je leur ai demandé de me ramener des étiquettes
d’expédition au nom de Borgeaud, Marchina et Jonhatan chez qui ils
travaillaient. Avec des ‘‘sommités’’ pareilles, les colis n’étaient pas
contrôlés.
Quant au destinataire, on a jeté notre dévolu sur un
commerçant juif fort connu de Port Gueydon : Joseph Hadjidj, qui évidemment
n’était pas au courant. Mais nous devions coûte que coûte éviter l’arrivée de
la marchandise à Port Gueydon. C’est Askri et Mansour (Boudoukhane)
qui l’interceptaient à Ighil Mahni,
Ighil Mahni
...à quelques encablures de la ville.
On m’avait apostrophé : ‘‘Et les armes ?’’. ‘‘Ce sera pour bientôt’’,
répondis-je. Ce qui est évident, c’est que ce seront les premières tenues de
l’ALN, ici au niveau de la wilaya III.» En septembre 1956, recherché, Mohamed
quitte les lieux pour les bases de Tunisie et de Libye.
«Arrivé à Tunis, j’ai été surpris par une sorte de cacophonie. A Genève, j’ai rencontré Ahmed
Francis, originaire de Relizane, et ami de la famille qui s’y était établie au
début du siècle dernier. Il y avait aussi Ferhat Abbas, Ahmed Boumendjel, Adda
Benguellat, Aït Ahcène qui sera assassiné par La Main rouge en Allemagne
fédérale. Je pars sur Tripoli, où je trouve mon ami Ahmed Mahsas et Bachir El
Kadi, responsable FLN.»
Famille aisée
«Ce départ à l’extérieur s’est effectué à la suite de la
création de l’Union générale des commerçants algériens que m’a confiée
Lebdjaoui. Nous avions reçu ordre de créer des syndicats corporatifs
(coiffeurs, hôtels, cafés, hammams...) pour éviter les fiches des nuitées pour
les combattants qui, comme on le sait, sont directement transmises à la police.
J’avais un avocat en Suisse du nom d’Ellenberger, un Bernois que j’ai constitué
pour défendre les 5 arrêtés après l’arraisonnement de l’avion en 1956 (Ben
Bella, Khider, Aït Ahmed, Boudiaf et Lacheref) ; mon avocat avait pris contact
avec le commandant Giraud, juge militaire chargé de cette affaire qui lui a
sorti un vieux texte disant qu’un étranger n’a pas le droit d’accès au dossier
tant que l’instruction n’est pas terminée.
Finalement, c’est Boumendjel qui a été désigné par Abbas. A
cette période, j’étais avec Abderrahmane Seri qui était pilote d’essai à
Bretigny. Zidi était avec nous. Je n’omettrai pas de signaler l’apport de
l’ambassade égyptienne en Suisse et particulièrement le Dr Abderrahmane
Badaoui, ami de Taha Hussein qui officiait en qualité d’attaché culturel, un
érudit qui avait une chaire de philosophie à l’université de Aïn Echems. Il est
intervenu à plusieurs reprises en notre faveur en nous livrant passeports et
laisser-passer.
Touhami rentré en Libye, je suis en Allemagne où je
travaille dans l’armement du FLN avec des techniciens, dont le regretté Aïssa
Abdessemed. Un jour, je suis parti avec Aïssa Boudiaf de Ngaous à Hambourg pour
essayer l’armement. Il y avait Henri Gueinand, ressortissant suisse avec Marcel
Leopold son compatriote, tous deux fournisseurs d’armes.
Le procureur général de la confédération helvétique avait
signé des mandats d’arrêt contre Aïssa et moi alors que nous étions en
Allemagne. Il a outrepassé le droit, d’autant que je n’avais commis aucun délit
en Suisse. En rentrant, on n’a pas été arrêté, mais un mois après on devait
partir à Tripoli avec Boudiaf Aïssa, Gueinand et Marcel avec, dans nos bagages,
60 kg d’explosifs. On a été arrêtés à l’aéroport. J’avais un P 38. Je l’ai sorti.
J’ai menacé de rayer l’aéroport de Contrains de la carte du monde. Aïssa m’en a
dissuadé avec cette pointe d’ironie : ‘‘Tu veux que nos camarades de la prison
de la santé entendent la déflagration ?’’ On a été emprisonnées à Saint
Antoine…
Hamid Tahri
El watan le 25.06.15
Illustration Daboudj1948
...A suivre
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