mercredi 13 mai 2015

Azeffoun...Aghribs





Mohand Tahar Tazerout



 Vers Aghribs en médaillon Mohand Tahar Tazerout

(Suite du précédent message)



Tant de choses sont occultées ou tues parce qu’elles ne vont pas dans le sens du poil de l’ordre établi. Le parcours singulier, atypique de Tazerout Mohand s’inscrit, hélas, dans cette funeste logique de rétention. Aussi, la tentation était indicible d’aller fouiner dans la trajectoire de ce penseur polyglotte, que les pouvoirs qui se sont succédé tout au long du siècle dernier ont carrément mis au placard.

De sa randonnée tourmentée et émouvante à travers le globe, Mohand nous est revenu avec une escarcelle pleine de pensées consignées dans des livres-références. Après l’Ecole normale de Bouzaréah et une éphémère période d’enseignement, Mohand s’en est allé à El Azhar, au Caire, où sa déception a été à la mesure de ses attentes. Il claque la porte en bourlinguant ici et là pour se découvrir et découvrir les autres. Sa folle curiosité ne s’est guère désaltérée au fil des pérégrinations et du temps.


1893 : la Kabylie dévastée

Nous essaierons, au cours de cette escapade, de vous faire connaître Mohand Tazrout.
Mohand a le visage de son fief, son terroir rude et austère de la Kabylie. Grand, fier et sec, ses lunettes à double foyer le trahissent comme un intellectuel à l’appétit vorace toujours inassouvi. Mohand Tazerout est né à la fin du XIXe siècle, à Ath Jennadh, près d’Azzefoun, aux Aghribs, dans cette région de Kabylie qui est une véritable pépinière d’intellectuels, d’artistes et chantres, de militants et de combattants. C’est, en effet, la région natale des Issiakhem, Iguerbouchen, Hadj El Anka, El Ankis, Tahar Djaout, le Dr Saïd Sadi…

«Assurément, Tazerout a eu une aventure très riche en enseignements, poursuivie attentivement par le lauréat de la promotion de 1912 à l’Ecole normale de Bouzaréah, au surplus issu d’une vieille famille maraboutique accrochée au Djurdjura, cette région qui au lendemain de l’insurrection de 1871 a été soumise gravement à d’incalculables conséquences imposées par l’ordre établi par le fer et le sang», avait écrit l’ami Djillali Sari, chercheur qui décrit avec force détails d’éclosion de ce «phénomène» qui a vu le jour à l’orée de la forêt des Beni Ghobri, non loin des célèbres boisements de Yakouren.

En effet, c’est aux Aghribs qu’il est né en 1893. Son père lui apprend patiemment le Saint Coran avec les rudiments de la langue arabe, avant même de l’inscrire à l’école publique.

C’était ainsi que les usages l’exigeaient. Tazerout lui-même le rappelait dans l’un de ses écrits : «L’usage faisait obligation stricte, sous peine d’amende, d’apprendre à lire à son fils un an au plus tard après que l’enfant ait changé de dents», selon le canon du village de Cherfa… Le cursus de Mohand fut classique.

Les succès se succèdent : inscription au cours complémentaire de l’école Montpensier à Alger, l’Ecole Sarouy, et enfin, bonheur suprême, réussite à l’examen d’admission à la prestigieuse Ecole normale de Bouzaréah, institution phare à laquelle rêve et prétend tout élève instituteur appliqué et se destinant au plus noble métier, selon l’écrivain Mouloud Feraoun, ancien pensionnaire de cette école. Nommé  à Thénia, Mohand n’y fera pas de vieux os.

Une dispute avec le directeur de l’école qui avait montré des velléités racistes et peu d’égards à l’endroit du nouvel arrivant ont fini d’achever la belle idylle qui se dessinait. Un mal pour un bien ? Il faut bien le croire, car Mohand en larguant les amarres du côté de la rayonnante capitale de l’Egypte, creuset  de savoir, ne perdit pas au change, surtout en rejoignant la célèbre université d’El Azhar, grand centre d’attraction de nombreux étudiants venus de partout.
 



Hamid Tahri
El Watan le 30.04.15
*Illustration Daboudj1948



...A suivre



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