lundi 7 janvier 2013

Méziane Rachid...Azeffoun les environs...La Casbah !






 (Suite du précédent message)

Suivons-le : Le Courrier d'Algérie :

Comment se porte dda Rachid ?
Méziane Rachid : -Dieu merci, je me porte comme un petit ange. La chaleur familiale me fait oublier le malheur qui s'est abattu sur moi. Et puis, il y a mon cher ami Said qui, par sa présence régulière à mes côtés, me donne l'impression de ne pas avoir encore quitté le milieu radiophonique.
On vous surnomme l'archiviste de la radio ou, mieux encore, la bibliothèque de la chanson kabyle?
Méziane Rachid: Ceci me flatte énormément. C'est un peu vrai tant je collectionnais tous les objets inhérents à cette culture : disques, photos?
Un de ces jours, je te montrerai tout ce trésor.
Vous avez aussi été un véritable! «touche à tout» pour avoir été à la fois auteur, compositeur, producteur, animateur radiophonique, parolier et acteur de théâtre ? Si on peut dire.
Méziane Rachid En effet, j'ai été amené, au fil de ma carrière, à toucher à presque tout comme vous le dites si bien. J'ai à mon actif plus de mille oeuvres entres chansons dont je n'ai interprété qu'une quinzaine, les autres l'ayant été par une pléthore d'artistes Idir (Ssendu) Sami El Djazairi (Ay aheddad n Ath Yanni) et Nouara (Ad-k wessigh ammi azizen), Youcef Abdjaoui (Lmehna-w) pour ne citer que ceux-ci, poèmes, pièces théâtrales, musique et émissions radiophoniques. J'ai été aussi, producteur, animateur radiophonique, parolier et acteur de théâtre.
Au temps de l'émergence de phénomène radiophonique, j'ai aussi fait du théâtre classique et moderne et j'ai animé des émissions à grand succès comme «Ighennayen Uzekka» avec Cherif Kheddam, «Sbah Lxir» avec Ben Mohamed et «Lkar N Tizi N Tlata».
Vous étiez le passage obligé pour quiconque voulait le moindre renseignement concernant un artiste?
Méziane Rachid Il faut dire que la documentation, je ne l'ai entamée que très tard. J'ai été élevé dans un milieu purement chaâbi à la Casbah et puis en France en compagnie de Missoum.
 Je n'avais pas de préférence pour un tel genre au détriment d'un autre tant j'écoutais tout ce qui pouvait être à ma portée. Je me retrouve dans tous les genres. Tout ceci par la grâce de la radio? Nullement pas. Ma passion pour la musique est antérieure à mon intrusion dans le milieu de la radio. C'est le milieu où j'ai vécu qui y est pour beaucoup. Ajouter à cela mon comportement singulier qui m'a été d'un apport non négligeable pour ne pas dire capital. J'étais comme je le demeure d'ailleurs encore, quelqu'un de réservé, qui écoute plus qu'il ne parle.
 Et si on parlait de votre incursion à la radio?
Méziane Rachid C'était grâce à feu Cheikh Nourreddine. C'était en 1958. On travaillait une fois par semaine et le restant des jours, on se rencontrait au café où on s'échangeait les idées. Mais faut-il dire que le seul et unique créneau l'époque pour percer et avoir sa place, était la chanson. Une exigence qui cadrait mal avec mon tempérament, moi qui privilégiais le texte, la composition plutôt que l'interprétation.
D'ailleurs, vous avez peu, même très peu chanté?
Méziane Rachid Je ne vous contredirai pas. Je vous ai dit que j'étais du genre à écouter plus que parler. Donc je n'ai eu à interpréter qu'une quinzaine de chansons, le restant, un millier, ayant été fait par bien de jeunes chanteurs à l'époque aujourd'hui, pour la plupart des célébrités. Et puis l'exil? L'année d'après, j'ai dû atterrir à Paris. Là, je me suis naturellement retrouvé à Radio-Paris en compagnie de Missoum avec qui j'ai beaucoup travaillé comme parolier.
 J'y ai eu l'immense honneur de connaître Jean El Mouhoub Amrouche, détail de taille fort à-propos : le chanteur acquérait le texte et le nom du parolier n'apparaissait pas de fait sur la jaquette du disque. J'ai ainsi «alimenté » nombre de chanteurs dont Nait farida, Bahia Farah, Hnifa
Et quel a été votre toute première chanson ?
Méziane Rachid «Acimi akka a lmut». Je ne m'en souviens pas exactement de l'année. Il fallait aussi dénicher des orchestres? Parfaitement car à Radio-Paris, on n'en avait pas. Ce qui élargissait davantage mon champ des contacts. Et puis quoi d'autre ? J'ai fait du théâtre et en français à l'école Bodieux qui se trouve à la rue « Rouen » de Paris où je me suis mis à étudier le quatrième art. Mais vous avez renoué avec le pays? Oui, c'était en 1960, retour à l'occasion duquel j'ai rejoint directement la radio où j'ai essayé de bouleverser un tant soit peu les choses en dégarnissant, par exemple, les émissions qui étaient bourrées de chansons.
Mais vous continuiez quand même à écrire, à composer des chansons?
Méziane RachidBien entendu, c'était mon dada, ma passion première.
Vous aviez «osé» chanter Fadhma n Soumer?
Méziane Rachid Vous avez bien fait de dire «osé» car à cette époque, ce n'était point évident. Si jamais quelqu'un osait quelque écart, il était aussitôt convoqué pour explication.
 Mais cette chanson, vous ne devriez pas l'interpréter vous même ?
Méziane Rachid Effectivement. La chanson, je l'ai composée pour le défunt Samy el Djazairi qui m'a sollicité pour un texte. C'était en 1965 à son retour de France. Celui-ci ayant hésité à l'interpréter n'ayant évidemment aucune idée sur le personnage historique, je l'ai aussitôt chantée. Mais ce n'était pas évident de la diffuser? Je ne vous contredirai pas. Elle a été diffusée quand même par la grâce du duo Guerfi-Boukhalfa qui animait alors une émission.
 Il faut dire que c'était une chanson avant-gardiste? Si on peut dire. Elle a été suivie par d'autres de la même veine, interprétées par d'autres et qui ont connu de retentissants succès.
 N'était-ce pas le résultat de contacts quasi permanents avec des intellectuels ?
Méziane Rachid Vous faites certainement allusion à Kateb Yacine et Mouloud Mammeri principalement qui avaient influencé d'une façon ou d'une autre la jeune vague de nouveaux chanteurs qui avaient imprimé un nouveau rythme à la chanson kabyle.
Ce n'est pas par un hasard si le premier avait  dédicacé notre disque 33 tours « Tiwizi », avec entre autres Sid-Ali Nait-Kaci, Idir, Medjahed Hamid, Agraw, Ferhat Imazighen Imoula et Said Sadi, ce que le second fera pour A vava Inouva de Idir un peu plus tard.
Il y eut un second disque qui n'a pas été édité?
Méziane Rachid Mais d'où tiens-tu cette info ? Effectivement, nous avions initié un second disque qui n'a pas eu, fort malheureusement, le même sort que le premier. Je ne voudrais pas m'étaler sur les raisons de sa non-édition?
Mais que nourrissiez-vous derrière cette inédite initiative collective ?
Méziane Rachid Principalement deux objectifs ; d'abord faire connaître les jeunes chanteurs qui étaient animés d'un désir terrible d'apporter un plus à notre culture. En second lieu, nous voulions briser le tabou de l'artiste isolé.
 Le groupe s'est disloqué peu après?
Méziane RachidC'est presque le propre des groupes de par le monde, le nôtre n'a pas échappé à ce triste sort.
Ce qui ne vous a pas pour autant infléchi en vous consacrant à la réalisation,?
Méziane Rachid Il fallait bien poursuivre le chemin. Les ruptures sont caractérielles des groupes, on y peut rien. Et puis, il y a continuellement de nouvelles vagues de jeunes qu'il fallait encadrer pour ne pas tomber dans les travers. Effectivement, je me suis mis à la réalisation d'émissions, à la dramaturgie, aux feuilletons.
 Mais la réalisation, c'est tout autre chose?
Méziane Rachid Effectivement. Il faut être au préalable être artiste pour prétendre à la réalisation car un réalisateur est un créateur, le technique n'en est qu'un aspect. Me concernant, je n'ai pas de raison de vivre autre que l'art. Ce que j'ai essayé de transmettre aux jeunes à travers nombre d'émissions.
Que fait ce drapeau dans votre bibliothèque ?
Méziane Rachid (Forte émotion) Il représente beaucoup pour moi. C'est ma mère qui l'a tissé de ses propres mains. Il porte encore des tâches de sang, mon propre sang. C'était en 1961 ; pour narguer les soldats français, je suis monté sur la terrasse de la demeure familiale sise à la Casbah d'Alger, le drapeau à la main. Ils n'ont pas hésité à me tirer dessus et j'ai failli périr n'était mon agilité.
Je me suis blessé tout de même et mon sang est toujours sur le drapeau.
 Auteur, compositeur et homme de théâtre radiophonique et réalisateur hors pair,
Quel est votre sentiment à l'égard des hommages que vous ont rendus la radio nationale et le HCA ?
Méziane RachidJe suis très ému de voir que les gens s'intéressent et reconnaissent mes oeuvres. Ma plus grande joie est de revoir mon entourage même si je ne jouis pas de toutes mes capacités physiques. J'ai donné l'opportunité, durant mon parcours professionnel aux jeunes de s'exprimer. Parmi eux, Malika Domrane. Je la considère comme étant ma fille, une de mes disciples.
A travers son geste (son appel de solidarité à l'endroit de l'artiste), Malika Domrane m'a prouvé son dévouement et sa reconnaissance.
Malika Domrane est une grande dame. Vous convenez que nombre de vos anciens collègues n'ont pas été de ces rendez-vous?
Méziane Rachid Fihel awal (sans commentaires). Je laisse chacun à sa conscience. En tout état de cause, tout ce que j'ai fait était par pure conviction et si c'était à refaire, je le referai avec davantage de plaisir et de détermination.
 Avez-vous transmis le «virus» de l'art à vos enfants ?
Méziane RachidPas du tout. Bien au contraire, j'ai tout fait pour qu'ils en soient totalement détournés au point où ils ne savent rien de mon parcours. Ce n'est que ces derniers temps qu'ils commencent à s'y intéresser. Ils m'harcèlent d'ailleurs de temps à autre pour un détail, une chanson, une émission, ou autre chose.
Tellement déçu par le sort?
Méziane Rachid(Hochement de la tête, qui en dit long sur la déception de l'artiste)





Sources "Le courrier d’Algérie"
               "Liberté"

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