lundi 11 avril 2011

La Casbah...Ismaël Ait Djafer...




                                 ...Un de ses Enfants !


(Suite et fin des précédents messages)

"A l'origine, un fait divers : le drame quotidien et devenu banal d'une fillette assassinée par son père.
Il fallait être Aït Djafer pour en faire un poème. Et quel poème ! Un long cri de douleur, d'une telle violence qu'on y retrouve après coup l'imminence de l'orage, l'annonce de novembre.
Cette complainte, à elle seule, suffit à faire d'Aït Djafer un poète.
Qui le sait? Quelques lecteurs se souviennent que ce texte a paru à Paris, dans la revue de Jean-Paul Sartre, «Les Temps Modernes», puis chez PJ Oswald, ou bien ceux, plus rares, qui ont eu entre les mains la première édition, aujourd'hui épuisée. Elle fut publiée à compte d'auteur et par souscription publique, quelques années avant la guerre.
Aït Djafer et moi, nous sommes nés la même année, en 1929, année de crise mondiale, et nous nous sommes rencontrés à vingt ans, au temps des grandes espérances.
Nous avons eu les mêmes amis, dont M'hamed Issiakhem. Aït Djafer dessinait, et j'aimais les caricatures qu'il me montrait de temps à autre, au petit bureau de tabac où il aidait son père, rue Patrice Lumumba, tout près du marché de la Lyre, à la Casbah, que le peuple appelle «el-jbel» : la montagne.
Comme Mahamed Zinet, qui allait jouer le rôle de Lakhdar dans «Le cadavre encerclé», comme Hadj Omar qui composait une chanson sur les petits cireurs, Aït Djafer est un enfant de la Casbah d'Alger, qui était et qui est une «capitale de la douleur».
Ce poème est aussi une page de notre histoire. Il nous replonge dans l'atmosphère où mûrissaient depuis longtemps, comme les fruits de la colère, les premiers coups de feu. Ce feu, c'est le secret de tous les sacrifices. Aït Djafer s'est sacrifié. Il a tué en lui le poète, et il vit en exil, pour comble de dérision, d'un job bureaucratique...
Les martyres ne sont pas seulement ceux qui sont morts pendant la guerre, sous les coups des ennemis. Il y a aussi les martyres de l'art, les artistes créateurs toujours martyrisés d'un pays qui se cherche depuis des millénaires, perdu dans son histoire. Nous sommes plongés dans un grand silence, un silence orageux où vient se projeter, comme un pavé, ce cri, cette complainte." 

Kateb Yacine

 
Préface de Kateb Yacine, édition de 1987 — "Les fruits de la colère"

*Intellectuel et polyglotte, Aït Djafer est né le 1er mars 1929 à la Casbah , c'est à l'âge de 17 ans, qu'il a commencé à écrire. 
Il a vécu en France, en Allemagne et en Suède, il est mort .à Paris le 1er mai 1995, un mois de mai tout un symbole !!
Une anecdote,  un jour il acheta un bouc lui mis une cravate,et arpenta les rues huppées de l'époque la rue d'Isly et la rue Michelet !!

Daboudj1948

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