Les allées et venues incessantes Zahira la voisine, ont mis la puce à
l’oreille de Fatima. Soucieuse de venir en aide à la jeune femme enceinte, elle
demanda à sa sœur, de partager avec elle leur repart, ce que Saliha lui
refusa…
Et c’est alors que Fatima, lui proposa un incroyable marché : Une part
de M’taouem pour Zahra en échange de sa part de la douéra.(la maison).
Saliha crut d’abord à une simple bravade. Fatima, consciente que par cet
engagement elle perdait son toit, mais son regard n’avait jamais été aussi
déterminé. Sa sœur profita de l’aubaine et accepta le marché, trouvant là une
occasion en or pour se débarrasser de celle qui était à ses yeux, par ses
coupables activités, source de honte.
Fatima remplit largement un grand plat du met tant convoité et le porta à
sa voisine. Cette dernière qui ne s’y attendait point trembla de bonheur et
tout en mangeant, elle prononça à l’intention de celle qui venait de lui
combler son envie, cette prière : « Tu as comblé mon envie, que Dieu
te le rende au centuple. Puisse t- il t’intégrer au rang des Moum’nines ».
La jeune fille répondit par un sourire s’en alla passer sa dernière nuit sous
le toit de sa douéra qui désormais ne lui appartenait plus.
Le lendemain, Zenkat Ben Fares était silencieuse. Les voisines du
quartier ayant pris l’habitude d’entendre, dès les premières lueurs du jours
les rires et les chants de Fatima La M’aakra, la Fardée, fuser de la terrasse.
Gaie comme un pinson, elle hélait et taquinait ses voisines avec un tel entrain
qu’elles les faisaient sortir un peu de leur grande réserve et rire de bon cœur
avec elle.
Son Absence en cette matinée ensoleillée de la casbah était si
inaccoutumée, qu’elles finirent par s’inquiéter .Elles allèrent aux nouvelles.
Saliha leur répondit que sa sœur était dans petite chambre et qu’elle dormait
certainement; non satisfaites les voisines accompagnées de Saliha se dirigèrent
vers la porte de Fatima.
Quel ne fut leur étonnement, lorsqu’elles virent couler sur le seuil
de la porte , une eau abondante, limpide et toute parfumée de jasmin. N’ayant
connaissance d’aucune fontaine, d’aucune source qui se trouverait dans la
chambre de Fatima, les voisines étaient perplexes. Elles appelèrent Fatima et
tambourinèrent longtemps à sa porte mais nul ne vint ouvrir. Elles essayèrent
de la forcer, en vain. Elles firent venir des hommes à la rescousse, sans
plus de succès. La porte demeurait hermétiquement close.
Au bout d’un moment, l’eau s’arrêta de couler et la porte s’entrouvrit
d’elle même, comme par enchantement. Les femmes se ruèrent à l’intérieur de la
ghorfa et restèrent bouche bée devant le spectacle sans pareil qui s’offrait à
elles : Au milieu de la pièce trônait un catafalque couvert de toute sorte
de fleurs et entouré de cierges allumés. Le corps de la M’aakra reposait là et
son visage portait encore, l’expression d’un intense bonheur.
Les témoins de cet extraordinaire événement, furent saisis d’un sentiment
mêlé d’effroi et de recueillement. Nul doute qu’ils venaient d’assister à un
miracle. Des êtres merveilleux, des anges de toute évidence avaient
procédé à la toilette mortuaire de la belle Fatima, morte dans des conditions
étranges.
Au bout d’un moment on fit venir un Imam dans l’espoir de trouver chez lui
une explication, mais l’imam qui connaissait la réputation de la défunte, ne
trouva rien d’autre à dire en répétant : « Subhan Allah El
Adhim ! Subhan Allah El Adhim ! », « Gloire à Dieu le tout
puissant ! Gloire à Dieu le tout puissant ! » Et prononça
aussitôt à la prière. Mais au moment ou les hommes se joignirent pour
porter Fatima El M’aakra afin de l’enterrer au cimetière D’El Kettar, le
catafalque resta comme cloué au sol refusant de céder.
On se tourna vers Saliha qui resta pétrifiée, et raconta à l’imam les
événement de la veille et comment Fatima avait en toute simplicité troqué sa
part de la douera contre une part de M’taouem pour leur voisine Zahra qui était
prise d’envie. On sut également quel vœu avait fait cette dernière, en guise de
reconnaissance pour le geste généreux et bienveillant de Fatima.
La jeune fille qui avait donc cédé son toit dans un élan de générosité,
n’en sortirait plus, même après sa mort. telle était la volonté de Dieu,
reconnu l’Imam. Fatima, ne quittera donc pas sa chambre et devra y être
enterrée sur place. C’était là une preuve éblouissante que cette dernière
était reconnue par le seigneur et accueillie parmis les anges du paradis.
Saliha, quant à elle sentant s’abattre sur elles les foudres de dieu ,
prépara une énorme Gassa’a (plat en bois rempli de couscous pour les pauvres en
guise d’offrande et pria jour et nuit se repentant et en implorant le pardon
pour sa cupidité.
Si un jour, il vous prend l’envie de vous promener dans les ruelles de la Casbah, n’oubliez pas de demander qu’on vous mène vers Zenkat Ben fares. Si votre guide est trop jeune, il ne reconnaîtra pas ce nom, alors demandez lui de vous indiquer l’ex rue du Canton ou encore la rue Malika Ben Aissa, c’est le nom qu’elle porte aujourd’hui et lorsque vous y serez demandez la douera de Fatima El M’aakra, vous pouvez être sûr que nul , qu’il soit jeune ou vieux ne trouvera de difficulté a vous l’indiquer.
Une fois là- bas, frappez à la porte
et demandez aux actuels occupants de la maison de vous autoriser a vous recueillir
dans la chambre de la « sainte » jeune fille, et vous verrez là, au
milieu de la pièce les traces encore visibles des pieds du catafalque d’El
M’aakra ! Recueillez vous alors avec ferveur et souvenez vous que la
générosité est aimée du bon Dieu.
"Nous étions partis, ma bourgeoise et moi, à la recherche de la maison natale de sa mère située en pleine Casbah d'Alger. Nous ne connaissons pas l'endroit, moi n'étant pas Algérois et elle, c'est une fille de Beo qui a vécu toute sa vie à Alger mais ignore tout des dédales de la Casbah. Nous avions juste le nom d'un endroit à trouver dans ce labyrinthe urbain complexe : Dar Lemaâkra. La maison de ma belle-mère est située dans le même îlot que cette Douira qui abrite une célèbre légende connue des Casbadjis. Nous avions passé tout un après midi à découvrir les ruelles fortement enchevêtrées de ce merveilleux site historique qui, malheureusement, tombe en ruine malgré les sommes colossales que sa restauration a du engloutir. Nous avions fait d’agréables rencontres avec des gens de l’ancienne Mezghenna des Zirides (Idziriyennes) et sur les indications de nombre d’entre eux, nous étions arrivés, enfin, à Dar Lemaakra. Sa façade et sa porte d’entrée ne diffèrent en rien du reste. C’est tout simplement une maison de la Casbah. Nous avions discuté avec le fils du propriétaire qui nous confirma, on y apportant d’infimes détails, la légende que la demeure renfermait depuis des lustres, mais nous dit il qu’il était interdit à toute personne étrangère d’y rentrer. C’est son vieux père qui a décidé ainsi et ce pour éviter que la maison ne devienne un lieu de pèlerinage. Dans cette ruelle il y’avait 3 maisons alignées du même coté, la 1ère étant celle ou ma belle-mère y a vu le jour, il y’ 85 ans et ou elle avait vécu ses premières années avant que sa famille ne déménage à Zghara, puis à Beo. D’autres locataires l’occupent actuellement, ils ne connaissent rien de leurs prédécesseurs. La vie est ainsi faite, c’est un éternel changement."
1) Belkacem Babaci né 05 décembre 1939 et mort le 10 septembre 2019
2) Video Zineddine Lucius
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