...Sidi El Houari
Le quartier historique de Sidi El Houari vient d’être
décrété «secteur sauvegardé». Sur place, des associations se mobilisent pour
sauver ses monuments vieux de plus d’un millénaire et pourtant laissés Ã
l’abandon. Visite guidée.
Des tonnes de poubelles à chaque virage, des murs effondrés,
des habitations en ruine ou abandonnées. C’est ce qui reste du plus vieux
quartier d’Oran, Sidi El Houari, fondé au début du Xe siècle par les marins
andalous.
Situé à l’ouest de la ville, ce véritable musée à ciel
ouvert –avec plus de vingt sites historiques en attente de restauration– risque
aujourd’hui de disparaître, emportant avec lui l’histoire millénaire d’Oran.
Erigé sur l’oued Rhi jusqu’au vieux port d’Oran, Sidi El Houari perd chaque
jour un peu plus de sa valeur.
Deux forts surplombent ce site prestigieux : Ã l’ouest, sur
la colline d’Aïdour, le fort de Santa Cruz, achevé au début du XVIIe siècle par
les Espagnols, jouxte la chapelle de Notre-Dame du Salut, destination
privilégiée des touristes. A l’est, le fort de Rozalcazar, érigé par les
Espagnols au XVIe siècle et dans lequel le bey Bouchelaghem bâtit son palais en
1792, est fermé au public. Aujourd’hui, il accueille les bureaux de l’Office de
gestion des biens culturels (OGBC).
Le Tambour Saint-José, la Porte d’Espagne, l’église
Saint-Louis, les donjons mérinides et la maison du dernier bey qu’a connu la
région, Hassan Bey, résistent encore au délabrement. Les vestiges qui attestent
de la présence andalouse composent un ensemble architectural unique qui fait la
richesse d’El Bahia. Mais personne ne profite de leur beauté. Faute de
rénovation, les visiteurs n’y ont pas accès.
Des ruelles portent encore des noms espagnols, comme la rue
de Madrid, celle de Terente ou de Montebello que l’on découvre en traversant la
porte de Canastel à travers la place Klebert au centre-ville. Des monuments
religieux datant de l’invasion ottomane, comme la mosquée du Pacha fondée en
1797 ou celle de Sidi El Houari, datant du XVIIe siècle, sont fermés depuis
plusieurs années pour travaux de restauration qui n’ont pas encore démarré ou
peinent à être achevés.
L’un des rares sites rénovés est l’ancien hôtel Métropole qui
sert de siège à l’OPGI. Des quartiers, comme Escalira, Maria ou Bab El Hemra,
n’existent plus. Ils ont été rasés de la carte après la dernière opération de
relogement. A La Casbah, l’un des quartiers encore habités de Sidi El Houari,
les populations les plus défavorisées d’Oran trouvent refuge dans des bâtisses
en ruine. Les murs et les toits s’effondrent les uns après les autres. Sidi El
Houari meurt en silence.
Bains turcs
«Nous voulons sauver l’âme de Sidi El Houari. C’est toute
l’histoire d’Oran qui est en jeu», espère Mokhtar Djouad. A seulement 26 ans,
le jeune homme connaît les moindres recoins du plus vieux quartier d’Oran.
Doctorant en biologie moléculaire et enseignant vacataire à l’université
d’Oran, il est né et a grandi à Sidi El Houari. Mokhtar est membre de
l’association Santé Sidi El Houari (SDH), créée initialement en 1991 pour la
réhabilitation du vieil hôpital (premier hôpital civil français construit en 1845),
abandonné, et des bains turcs. Grâce à leurs bénévoles, la SDH et d’autres
associations, comme Bel Horizon, Å“uvrent pour la sauvegarde de ce patrimoine.
A travers des visites guidées, des rencontres ou des
colloques, elles tentent de faire revivre l’histoire de Sidi El Houari,
notamment pendant le mois du patrimoine, qui revient chaque année de la
mi-avril à la mi-mai. Quand l’occasion se présente, Mokhtar travaille comme
guide touristique. Avec lui, Sidi El Houari dévoile tous ses secrets.
C’est par le jardin de l’ex-promenade de l’étang, aménagé en
1836, situé juste au-dessous du fort Rozalcazar, qu’il commence d’ordinaire ses
visites. «D’ici, vous avez une vue globale sur Sidi El Houari», explique-t-il.
Recouvert d’immondices, le chemin qui descend vers la mosquée du Pacha est
quasiment impraticable. Cette partie cachée aux touristes livre des odeurs
effroyables.
Mokhtar nous entraîne d’une rue à une autre jusqu’à la place
de la République où se trouvent le siège de l’OPGI et celui de l’ancienne préfecture
d’Oran fermée, elle aussi, pour travaux de rénovation. Ici, les palmiers
alignés le long de la rue font oublier aux habitants le chantier quotidien dans
leur quartier. A quelques mètres de là , Mokhtar nous emmène dans un endroit qui
fait sa fierté : les bains turcs rénovés entièrement par son association, la
SDH.
Ville cinématographique
En quelques années, ce site historique est devenu un
chef-d’Å“uvre grâce à l’implication des jeunes du quartier dans les travaux de
restauration. L’un d’eux, Mohamed Gheroui, 30 ans, artisan-menuisier, use de
son talent pour fabriquer des portes, des fenêtres, des tables et aussi
plusieurs œuvres artistiques qui servent à embellir les lieux. Un travail
totalement bénévole auquel il consacre tout son temps libre. «Notre attachement
à ce quartier est inexplicable. Sidi El Houari est comme ma mère. Il faut vivre
ici pour nous comprendre», avoue Mohamed. Dans la cour du siège de son
association, de petits dômes portant des petites fenêtres occupent l’espace.
C’est au-dessous que se trouvent les bains. Assis sur l’un d’eux, Mokhar tente
d’expliquer la situation : «En laissant l’état des bâtisses pourrir, les
autorités locales poussent les habitants à demander le relogement pour qu’elles
puissent récupérer les parcelles de terrain.
Elles ignorent que des sites pareils peuvent aussi devenir
une source de richesses. Sidi El Houari pourrait se transformer en une ville
cinématographique, comme c’est le cas de plusieurs villes au Maroc et en
Egypte.» Le jeune doctorant ne nous cache pas ses espérances et avoue qu’il
aimerait voir un jour Sidi El Houari ressembler à Sidi Bou Saïd en Tunisie ou
au vieux Lyon en France qu’il a eu l’occasion de visiter.
C’est aussi le souhait de Toufik Timimoun, 42 ans, guide
touristique et vice-président de l’association Bel Horizon créée en 2001. Cette
association est composée que d’architectes qui Å“uvrent pour la sauvegarde
d’Oran, notamment Sidi El Houari. Toufik, lui, préfère commencer la visite par
El Derb, un quartier dans un état précaire près de Sidi El Houari.
Unesco
Ici, les bâtiments sont creux. Seules les façades demeurent.
Des arbres poussent à l’intérieur. «Plusieurs bâtisses de ce quartier sont en
état d’effondrement, pourtant elles se trouvent au centre-ville d’Oran, juste Ã
quelques mètres de la place d’Armes, derrière la salle théâtrale, baptisée
Abdelkader Alloula !», regrette-t-il. Sur la question du retard des travaux de
restauration de Sidi El Houari, Toufik donne son avis : «La loi sur la
préservation du patrimoine n’est en vigueur que depuis 1998.
Et puis, il n’y a pas que cela, il faut avouer aussi que nos
responsables n’étaient pas conscients des enjeux.» Toufik explique que les
seuls projets de rénovation connus à ce jour ont été initiés par les Turcs :
«En 2014, une délégation turque a rendu visite à Sidi El Houari et a proposé la
restauration du palais du bey Bouchelaghem, et de la mosquée du Pacha fermée
depuis deux ans. Les Etats-Unis ont aussi contribué, mais les travaux n’ont
toujours pas commencé.» Il raconte qu’en 2003, deux experts de l’Unesco, qui
ont visité le quartier, ont proposé leur contribution à la restauration de la
ville au directeur de la culture d’Oran. «Ils sont repartis déçus, car ce
dernier a refusé leur participation», regrette Toufik. Les associations ne sont
pas les seules à défendre l’histoire de Sidi El Houari.
Certains habitants y tiennent, d’autres veulent en finir
avec la pauvreté et la précarité des bâtisses. En passant par la mosquée de
Sidi El Houari, pour déboucher sur la rue Cherraka Mohamed, Toufik s’arrête et
regarde, songeur, un mur incliné : «L’année dernière, une fillette de 10 ans
est tombée du haut de cet immeuble. Elle a failli perdre la vie.»
«Errahla»
Deux fillettes s’approchent alors et nous demandent si nous
sommes des fonctionnaires de l’APC d’Oran chargés de recenser les gens en
situation précaire. Miloud, 40 ans, nous invite dans son immeuble où vivent
quinze familles. Les escaliers fissurés tiennent à peine, dissuadant tout
visiteur de s’aventurer.
C’est ici qu’il vit en compagnie de sa femme et de ses trois
enfants. Miloud raconte la belle époque de Sidi El Houari lorsque les nuits
étaient ponctuées de belles soirées entre voisins et regrette la misère
actuelle : «J’aurais aimé rester ici où j’ai grandi, mais malheureusement, je
ne peux vivre sous un toit qui peut s’effondrer à tout moment.» Miloud attend
avec impatience «errahla», le relogement, un mot qui revient à chaque
rencontre. Récemment, les résidants de Ras El Aïn, un bidonville de Sidi El
Houari, ont bloqué la route pour contester une liste de bénéficiaires dans
laquelle ils ne figuraient pas.
Khedoudja Menmare, 66 ans, connaît bien la souffrance des
gens, elle qui habite dans la même rue que Miloud avec sa fille et ses trois
enfants. «Je n’en peux plus de cette situation», nous confie-t-elle. Sa maison
au rez-de-chaussée est devenue inhabitable. L’humidité a rongé tous les murs.
Mme Benichou, 49 ans, vit aussi avec ces cinq garçons et sa
fille. Fière d’appartenir à Sidi El Houari, elle se remémore le bon vieux temps
et sa grand-mère qui parlait couramment l’espagnol. Sur le toit de sa maison,
elle nous montre toutes les habitations abandonnées aux alentours. Un paysage
de désastre qu’elle veut quitter au plus vite.
Pour sauver son quartier et ses habitants, Mokhtar ne voit
qu’une solution : «Reloger tous les habitants de Sidi El Houari ailleurs et
restaurer les bâtisses et les sites pour en faire un musée à ciel ouvert, et
permettre, plus tard, à ceux qui le désirent de pouvoir y revenir.»
24 milliards de dinars
Massinissa Ourabah, représentant de l’OGBC, n’est pas de cet
avis. «Pour sauver le matériel, il faut d’abord préserver l’immatériel»,
insiste-il en parlant des habitants du quartier. Massinissa nous confie son
attachement émotionnel à Sidi El Houari. Il affirme qu’«un décret présidentiel
a été publié en février dernier dans le Journal officiel, classant Sidi El
Houari comme secteur sauvegardé». Le président du secteur urbain de Sidi El
Houari, annexe de la commune d’Oran, Mohamed Badr Dine Dinar, avoue avoir
lui-même émis le voeux d’occuper ce poste dans le but de préserver ce quartier.
A 30 ans, il est le plus jeune mouhafedh du FLN.
Il assure qu’«il appliquera avec ferveur son programme qui
vise en premier lieu la restauration et la préservation de l’histoire de ce
patrimoine», dont il est natif. Il affirme qu’un budget de 24 milliards de
dinars sera versé pour la restauration de Sidi El Houari. «Dix milliard de
dinars seront offerts par la présidence de la République», confie-t-il. «Je
veillerai personnellement à l’application du programme tracé par le président
de la République.
Le classement de Sidi El Houari comme secteur sauvegardé
nous a ravis. C’est l’avenir d’Oran qui sera sauvegardé et la mémoire de toute
une région riche en histoire. Sidi El Houari sera digne d’une métropole
méditerranéenne !», s’enthousiasme-t-il. Avant que la nuit tombe sur cette
ville désespérée, Mokhtar, qui se révèle être aussi musicien, nous invite Ã
écouter son groupe au sous-sol de son association. Avec quatre membres de la
SDH, ils forment Los Oranes (les Oranais), un groupe de raï qui chante Oran et
son quartier bien-aimé. Derbouka, bendir et synthétiseur rythment des mélodies
d’espoir qui, ils espèrent, verront fleurir prochainement Sidi El Houari.
La minute histoire
*Sidi El Houari tire son nom de celui d’un saint musulman qui
a vécu pendant plusieurs années à Oran.
Mohamed Ben Omar El Houari est né en 1349 à Sour, dans la
wilaya de Mostaganem, et est natif de la tribu berbère les Houares. Il arrive
dans les environs d’Oran au début du XVe siècle à la recherche de grands
théologiens de l’islam. Il enseigne la jurisprudence et la langue arabe à Fès,
au Maroc, puis revient pour s’installer définitivement à Oran après avoir
accompli son devoir de pèlerinage à La Mecque. Il décède en 1439 à Oran.
La mosquée qui porte encore son nom à Sidi El Houari est
fermée pour travaux de restauration qui tardent à être achevés. Alors que
plusieurs hommes de religion et d’histoire affirment que Sidi El Houari n’est
pas enterré dans ce quartier d’Oran, plusieurs femmes se recueillent, malgré
tout, chaque jour sur «son cercueil» dans un mausolée (mqam) bâti près de la
mosquée de Sidi El Houari.
Meziane Abane
El Watan 03.04.2015
Comme il est fréquent pour les personnages prestigieux, dont une partie de la vie est enjolivée par la légende, plusieurs lieux se disputent le privilège d'avoir vu naïtre le « saint » homme, et revendiquent d'avoir recueilli sa dépouille mortelle.
Mohammed ben Omar ben Otsman ben Menia ben Aïacha ben Akacha ben Sifed en Nas ben Amin en Nas el Riari el Mazaoui, plus connu sous le nom de Sidi El Houari, car il appartenait à la grande tribu berbère des Houaras, naquit à Oran en 1349, ou près de Kelmitou en 1350.
À l’âge de dix ans, il connaissait déjà par cÅ“ur le Coran et avait acquis par cela même le titre de Hafizet. Il se rendit dans la vallée du Chelfa dans la wilaya de Blida pour visiter un saint éminent parmi les saints de Dieu et obtenir en sa faveur l'intercession de ses prières, puis, après une vie d'errance et de solitude dans les déserts5, et ayant atteint l'âge de l'adolescence, il se rendit à Bougie, étudiant sous de savants professeurs de cette ville, Sidi Abd er Rahman El Ourlici et Sidi Ahmed Ben Idris.
Sidi El Houari est venu dans les environs d'Oran vers le début du XVe siècle chercher des grands théologiens de l'islam pour étudier les sciences coraniques dans la Zaouia (École Coranique) de Sidi Mimoun et son frère Sidi Ayoub sont connus pour leurs traditions dans le domaine des sciences religieuses à Oran et à l'Ouest de l'Algérie.
Âgé de 25 ans, il enseigna à partir de 1374 à Fès la jurisprudence et la langue arabe, puis partit en pèlerinage à La Mecque, visita Jérusalem et se fixa à son retour à Oran où il ouvrit une médersa fréquentée par tous les savants de la ville.
Parmi les disciples connus qui ont été des compagnons de l'imam Sidi El Houari, on cite Sidi Ibrahim Tazi et Sidi Said (m'rabet de Hassi El Ghella).
C'est de cette époque que date sa réputation de saint marabout: il lui est attribué quantité de prodiges, ainsi qu'une malédiction proférée contre la ville d'Oran dont il trouvait que les habitants manquaient de vertu, car ils étaient corrompus par trop de richesses et de luxe. Il meurt en 1439, à Oran. Selon les dires de ses descendants directs (la famille Bensetti-El-Houari), son corps reposerait à Hassel Rhallal (Er Rahel, aujourd'hui Hassi El Ghella), près de son ami le marabout Sidi Saïd. Son cénotaphe, très fréquenté et vénéré, subsiste dans le quartier de la vieille ville d'Oran qui porte son nom.
Son nom a été donné au faubourg au nord-ouest de la ville d'Oran. On y trouve l'ancien lycée Saint-Louis, ainsi que la vieille mosquée du Pacha datant du XVIIe siècle. Dans ce quartier repose également la dépouille du l'ancien muphti de la ville au nom de Cadi Boulahbal installé par l'administration coloniale française en 1942, au mausolée qui fut reconstruit en 1793 par le bey ottoman surnommé Le Borgne, C'est aux familles Bensetti qu'échut le privilège de pérenniser le rôle de Mokaddem du Goubba jusqu'aux années 1980. C’est dans la vieille ville (casbah) se quartier qui porte le nom du imam Sidi El Houari. C'est historiquement le premier centre ville d’Oran.
Le quartier Sidi el Houari d'Oran regroupe plusieurs sites et monuments classés. Ce quartier est ainsi considéré comme un symbole de passage de plusieurs civilisations : turque, espagnole et française. Il se situe à l’Ouest de la ville d’Oran entre le versant est du mont Murdjadjo, et le vieux port. D'autres curiosités touristiques : l'ancienne préfecture du boulevard Stalingrad, des vestiges espagnols datant du XVIe siècle, et surtout le palais du Bey d'Oran.
Source Wikipedia
Merci Monsieur pour votre article,poignant émouvant,les adjectifs se bousculent devant cet état de fait des pans entiers de notre histoire qui disparaissent,devant la cupidité et l'ignorance? Une volonté de faire disparaitre tous nos repères ?
On se perds en conjecture et puis terminons ?
*Commentaire et illustration Daboudj1948
1 commentaire:
au moment ou on parle de tourisme il suffit juste de réhabilite un quartier comme Sid-elhouari pour passer d'un lieu défavorisé à un pole économique et sociale de pointe
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