mardi 11 janvier 2011

Yennayer dans les Aurès !


Les brindilles séculaires de l’la Fatima

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« …A 85 ans, l’la Fatima se prépare encore à fêter Yennayer. Aussi loin que ses souvenirs puissent l’emporter, elle se rappelle qu’elle n’a pas raté une seule fois cette fête qui a beaucoup de significations pour les Berbères des Aurès.
A Ca’cho, la dechra des Ouled Abdi Ousbaâ, il ne s’agit pas de répéter une tradition ancestrale… 
…Pour la maîtresse des céans, Yennayer est un jour de travail. La liste des activités est exceptionnellement allongée en cette journée exceptionnelle. Accueillir un nouveau cycle appelle un rituel sans fanfares mais chargé de symboles. La prière de l’aube, une fois accomplie, l’la Fatima et toutes les femmes du village s’arment de leurs cruches pour aller chercher de l’eau à la fontaine.
Même si d’ordinaire des jerricans en plastique ont remplacé les vieilles cruches en terre cuite, cette dernière est gardée pour des occasions pareilles. Des brindilles de gazon sont cueillies aux abords de la fontaine et placées entre l’embouchure de la cruche et l’entonnoir, symbole du renouvellement et du bien apporté par l’année qui s’annonce.

Couscous, ziraoui…

De retour à la maison, une tâche aussi utile que symbolique l’attend. Il s’agit de nettoyer la cheminée (ici, c’est le boulot de la femme) de la suie (akendil en tamazight local) à l’aide du balai fait à la main (thagouft). La suie récupérée est mise dans un panier avec les trois pierres (inguen) qui servent à porter la marmite sur le feu, puis jetée loin de la maison comme pour se débarrasser du vieux pour le remplacer par du neuf. De retour, elle ramasse de la terre et trois nouvelles pierres, pour son coin de feu, qu’elle va enduire d’abord de beurre naturel. Pour attirer le bonheur pour la maison, l’la Fatima n’oublie jamais de disperser  de l’herbe et des dattes dans les quatre coins de sa maison. Pendant ce temps, les grains de blé cuits dans l’eau bouillie ont fini de grossir. Le résultat (cherchem) est ensuite mélangé à la farine de blé et de dattes dures, obtenue grâce à la meule traditionnelle. L’la Fatima vient de préparer son premier plat : la b’sissa.
Le menu spécial comporte aussi le ziraoui (galette découpée en menus morceaux, mélangé à la pâte de dattes), ar’rab (des morceaux de galette chargés du nectar de dattes), des gâteaux (adhemin), sans oublier le must des must de Yennayer, tahrirt, une soupe épaisse, à base de semoule bouillie.
Le soir, c’est chakhchoukha au poulet ou bien du couscous à la viande pour ceux capables de se le permettre. Mais, souvent, les gens qui n’ont pas de moyens cotisent pour acheter une chèvre et se partager ses parties, selon un tirage au sort. Ici, la solidarité n’est pas un vain mot, c’est un code de conduite inscrit aux fondements de la communauté et aussi une règle de subsistance pour tous.
…La soirée, femmes et hommes séparés, des groupes se forment autour des foyers de feu ; après les ripailles, place aux échanges et aux réjouissances ; rien de mondain, que des gaâdas fraternelles. Parfois, musique et danse s’invitent aussi autour du «guessab» et son «b’nadri».
La nouvelle année est entamée ainsi dans la joie et la bonhomie. La symbolique se résume à souhaiter richesse et bonheur pour le foyer, des mots qui ont une tout autre résonance dans cette contrée épargnée par la vanité de notre ère. »
 
Nouri Nesrouche
( Extraits El watan du 11/11/2010)








Bonne Année à toutes et à tous 

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