dimanche 7 février 2016

La Casbah...





Djamaa Es-sayida








Musée du métro
Des siècles d’histoire sous les pavés d’Alger
Quelque part entre le XVIe et le XIXe siècles. Basse Casbah, mosquée Es Sayida.


L’imam fait ses ablutions dans une salle d’eau, carrelée de noir et blanc, ménagée à cet effet. Il pose le pied sur la margelle au-dessus de laquelle s’écoule un mince filet d’eau apportée là par un système d’irrigation ingénieux. Il se dirige, à travers les couloirs étroits, vers la salle de prière, située un peu plus haut, tandis que du minaret retentit l’appel du muezzin.

Cette scène de vie «ordinaire», aussi imaginée que plausible, est le fruit des reconstitutions qu’ont pu faire les archéologues en charge des fouilles du site de la place des Martyrs, découvert alors que l’on s’apprêtait à entamer la construction d’une station de métro. Et ce n’est pas sans émotion qu’aujourd’hui, ils partagent le trésor historique qu’ils ont mis 27 mois à déterrer et à rêver. La période de fouilles étant achevée depuis octobre dernier, les archéologues ont dû laisser place aux ouvriers pour la poursuite des travaux du métro d’Alger.

«Depuis la découverte de ce gisement archéologique, nos équipes ont dû coordonner des phases de recherche et d’approfondissement du chantier avec le calendrier des travaux du génie civil de la station de métro. Et cela a été l’un des plus grands défis pour que le développement et le patrimoine historique ne se fassent pas l’un au détriment de l’autre», explique ainsi Farid Ighilahriz, directeur du Centre national de recherches archéologiques (CNRA).

Ce chantier titanesque, le premier de ce type en Algérie, tant par son importance que par les méthodes utilisées, a été confié à des équipes pluridisciplinaires du CNRA et de l’Institut français de recherches archéologiques préventives (Inrap). Et si les couches les plus profondes et les plus anciennes ont dû être recouvertes, ce n’est qu’en attendant la fin du chantier de cette station et l’édification du futur musée qui offrira ces merveilles aux regards et à l’imagination des visiteurs, et ce, en 2017.

«Un comité d’évaluation et de suivi scientifique et technique, qui dépend du ministère de la Culture, décide des choix et des sélections des vestiges à préserver in situ (sur place) tout comme il accompagnera l’opération de muséalisation des vestiges et mobiliers archéologiques», dont des centaines de caisses de céramiques, de pièces et de métaux sont en cours d’étude, expose M. Ighilahriz.

Laissée en surface, sous la protection d’un large préau transparent, la couche la plus «récente» : ce qui reste de la mosquée Es Sayida. «Voilà l’entrée !» présente François Souq, chargé de recherche à l’Inrap et coresponsable des fouilles de la place des Martyrs, en désignant une large marche surplombant une petite allée pavée.

Succession de destructions et de reconstructions

Les murets, ocre et gris, semblent délimiter des petites pièces. Par endroit, de petits cratères interrompent les tracés. «Ce sont les trous creusés par les Français pour planter des arbres, lorsqu’ils ont recouvert tout cet espace pour établir la place d’Armes», expliquent les archéologues. Un peu plus haut, ce qui devait être la base du minaret. M. Souq se penche et désigne la base d’une fondation. «Il y a des marques de destruction et de reconstruction. Cette mosquée, par exemple, semble avoir été édifiée au XVIe siècle. Toutefois, on soupçonne que l’un des séismes qui ont touché Alger l’a détruite, vers le XVIIIe siècle, et qu’elle a été réhabilitée», relate-t-il.

De même, son implantation s’est faite sur les fondements d’autres bâtisses plus lointaines encore. «Les bâtiments construits à partir du XVIe siècle prennent appui sur les fondations des constructions médiévales des Beni Mezghenna, qui ont rebâti, dès le Xe siècle, une partie de la ville qui était en ruine», explique le CNRA. «Nous attendons donc d’étudier plus en profondeur cet espace pour savoir dans le détail ce qui s’y est déroulé tout au long de ces années», ajoute M. Ighilahriz.

Un peu plus loin, les dépendances de la mosquée, dont Beit El Mal (la trésorerie), sont délimitées. La continuité de la mosquée se trouve, selon toute vraisemblance, du côté de la rue. Et M. Ighilahriz ne cache pas sa frustration : «Nous ne sommes pas allés plus loin car nous avons dû nous contenter du périmètre que l’on nous a délimité.» «Les générations futures procéderont, je l’espère, à des fouilles plus approfondies», prédit-il. 




Ghania Lassal
El Watan le 06.02.16

                                                                             
  ...A suivre

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