« Tranche de vie
Depuis des lustres, il fait dans la lustrerie Pipo c’est comme ça qu’on le surnomme, mais ce n’est pas du pipo il est lucide surtout quand il commence à faire de la prose avec ses verres le coude planté sur le comptoir, de la convivialité.
Du temps où la moustache faisait d’un homme un homme, me disait-il quand la rigueur et la loyauté la décence et la vertu le respect et l’honorabilité se résumaient dans un seul regard, ma grand-mère retrouvait sa dimension de femme dans une plénitude affichée.
Quand les grincements des chaussures annonçaient l’homme, les pinailleries féminines cessaient pour que la dignité humaine retrouve ses apparats dans une ambiance étrange mêlée d’un curieux mélange fait d’humilité et circonspection. De complicité et d’égalité.
Mais voila ! Ma grand-mère n’est plus de ce monde et les chaussures contrairement au temps passé se font discrètes et à l’image de l’homme, elles s’accommodent de synthétique. Il ne reste plus que la moustache pour faire l’homme. Une moustache qui ne tient que grâce à la gomina.
Cependant si la moustache suffisait à faire des hommes et si cette attribution divine arrivait à elle seule à nous rendre hommes, nous serions plus entourés que par des hommes et le monde serait autrement plus digne et plus noble à l’image des vrais hommes. Faits par des femmes vraies.
A l’ère de la chose synthétique, malheureusement, les hommes se contentent d’être à l’image des choses et les choses, à l’image de la moustache, n’ont jamais fait d’un homme un homme. Rasez vous vous n’avez même plus la possibilité de raser les murs, car ceux de ma ville vous ont vu arriver vous connaissent et vous vomissent ! »
Par El-Guellil
« Le quotidien d’Oran » dimanche 10 octobre 2010
Et vogue la galère !!
(Illustration et petit tout petit commentaire Daboudj1948)
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