Une louable dynamique anime les citoyens dans les quatre
coins de la Kabylie qui s’organisent fortement pour faire face à l’épidémie du
coronavirus. Aux campagnes de sensibilisation qui font rage autant dans le
monde virtuel des réseaux sociaux que dans celui réel de la société, s’ajoutent
des programmes de désinfection tous azimuts et des batteries d’actions menées
sur le terrain. Bien avant que les services de l’État n’interviennent, des citoyens
se sont mis au front avec leurs moyens pour se lancer dans des opérations de
désinfection des espaces publics. Certains l’ont fait avec un pulvérisateur
d’eau et de chlore accroché à l’extrémité d’un tracteur agricole et sillonnant
rues et ruelles. D’autres se sont organisés en groupe pour les mêmes tâches
dans de nombreuses localités.
Dans la ville de Béjaïa, il est loisible de voir
des citernes d’eau javellisée placées dans plusieurs endroits stratégiques et à
côté desquelles sont posés des flacons de savon liquide. Les passants sont
servent volontiers pour se laver les mains. Jamais de telles mesures d’hygiène
n’ont impliqué autant de monde et suscité autant de discipline dans l’espace
public. L’opération s’est généralisée sur tout le territoire de la Kabylie où
l’on cible, entre autres endroits, les abris-bus et les importants points de
passage de piétons. La vigilance et la prévention sont de rigueur dans beaucoup
de villages. À l’entrée de certains d’entre eux, comme à Tardam, dans a commune
de Toudja, chaque véhicule est aspergé d’une eau stérilisante.
Au chef-lieu de
la wilaya de Béjaïa, un jeune commerçant a acquis sur ses propres fonds, un lot
de gel hydroalcoolique qu’il a distribué gratuitement, priorisant les personnes
âgées. Hicham, dans un élan de solidarité désintéressé, est venu au secours
même des structures de santé. Plus doté en moyens, le comité «Stop Covid 19
Béjaïa», constitué de médecins, opérateurs économiques, avocats et autres
membres de la société civile, continue de distribuer, de son côté, du matériel
de protection aux différentes structures qui dépendent du CHU Khellil Amrane.
Pour faciliter le confinement du troisième âge, des jeunes ont offert leurs
services publiquement pour leur venir en aide pour toute urgence ou commissions
d’achat. Dans la ville d’El Kseur, un citoyen, propriétaire d’une agence de
location de voitures, a mis son parc automobile au service du corps médical
pour les besoins de ses déplacements.
Auto-confinement Des collectifs
associatifs ou comités de village ont pris sur eux la responsabilité de
coordonner un plan d’action pour encadrer l’auto-confinement auquel ils
sensibilisent les populations. Bien qu’il ne soit pas encore généralisé, le mot
d’ordre est grandement suivi à Béjaïa, volontairement et sans les renforts
répressifs de l’État. À Akfadou, par exemple, l’organisation citoyenne a donné
naissance à une coordination de comités de villages qui a conclu à la mise en
place de trois points de sensibilisation sur les principaux axes routiers de la
commune. Chaque village s’est doté de sa propre cellule de veille avec
alternance au niveau des points de surveillance. D’aucuns entendent garantir le
«risque zéro», faire barrage au virus qui ravage le monde et qui ne reconnait
pas les frontières. L’objectif est commun : «Village sans corona».
On
s’applique aussi à assurer, tant bien que mal, la
distanciation sociale en l’indiquant par des lignes ou des ronds tracés sur le
sol devant certains commerces, comme les pharmacies et autres boutiques, et
endroits pouvant accueillir du monde. L’urgence sanitaire a suscité une prise
de conscience citoyenne agissante.
L’attention pour les sans-abri, qui côtoient
le risque du covid-19 dans les rues de la ville de Béjaïa, est venue des
citoyens. Cette catégorie de personnes a droit aussi au confinement. Le
propriétaire d’une salle des fêtes (Vie la joie) y a pensé et a offert
gracieusement son espace pour cela. Jusqu’à hier, on a réussi à accueillir
vingt SDF dont trois femmes.
Entièrement pris en charge, vêtus, logés et nourris,
aucun ne sort. Des jeunes d’Iheddaden, impliqués dans l’organisation du «forum
des libertés» du quartier et dans l’association Abane Ramdane, se sont
constitués en un collectif «Solidarité, unité, dignité». Joints par le
Croissant-rouge, la DAS, l’APW, la LADDH et des bénévoles qui ont offert des
denrées alimentaires, ils sont continuellement aux petits soins avec ces SDF
qui trouvent dans cette salle des fêtes un toit protecteur. L’espace peut
prendre encore des sans-abri. Parmi ceux qui y sont, il y a des vieux et des
jeunes, des hommes et des femmes, des habitants de Béjaïa et d’autres venus de
loin (Boumerdès, Sétif…). Avant de trouver des habits propres, un lit et un
repas chaud, ces personnes en détresse sont passées par les douches et le
médecin de la polyclinique.
«Des gens ont appelé de partout pour aider, même de
Jijel. On les a invité à faire de même là ou ils sont» nous affirme Abdenour
Ziani, l’un des membres actif du collectif qui s’apprêtent à passer à
l’opération de distribution de «couffins» à domicile. La crise sanitaire a
provoqué un formidable élan de solidarité citoyen sur fond d’un
auto-confinement auquel l’on est de plus en plus nombreux à croire à son
utilité et au salut qu’il offre. K. MEDJDOUB 29 MARS 2020 (El Watan)
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