Suites des suites des messages...
Qui se souvient
du temps où La Casbah s’appelait El Djzaïr…
Son histoire pourrait commencer comme les vieilles
légendes que les conteuses se transmettaient jadis. «Il y a près de mille ans,
un prince venu du Sud découvrit au bord de la mer un endroit merveilleux et il
décida d’y bâtir une ville ...»
Car là encore l’histoire ressemble à une légende
Toutes voiles au vent, les chébeks partent en course.
Car là encore l’histoire ressemble à une légende
Toutes voiles au vent, les chébeks partent en course.
C’est en effet au milieu du Xe siècle (quatrième
siècle de l’Hégire), que 1)Bologhine, fils de Ziri, roi d’Achir,
fait construire sur les vestiges romains d’Icosium, peuplés par la tribu des Beni-Mezghana, une cité qui prend le nom d’El-Djazaïr, en raison des îlots qui parsèment sa baie.
fait construire sur les vestiges romains d’Icosium, peuplés par la tribu des Beni-Mezghana, une cité qui prend le nom d’El-Djazaïr, en raison des îlots qui parsèment sa baie.
Bien que de modeste importance, cette bourgade
fortifiée, qui s’étage en gradins sur le flanc de la colline, suscite aussitôt
toutes les convoitises. Dès le onzième siècle, les Almoravides s’y installent,
comme l’atteste la Grande Mosquée qu’ils ont laissée en héritage. Puis ses
voisins hafsides et zianides lui imposent alternativement leur loi, et lorsqu’enfin,
au début du seizième siècle, la ville commence à prendre un peu d’indépendance,
les Espagnols, qui poursuivent leur Reconquista après la chute de Grenade,
viennent à leur tour la menacer. Mais en bâtissant leur Penon sur les îlots de
la baie, ils n’imaginent guère que cette forteresse «plantée comme une épine
dans la chair d’El Djazaïr», va être à l’origine de son prodigieux destin.
Les fameux corsaires, 2)Arrouj
et 3)Kheir-eddine Barberousse,
volent au secours de la belle en danger. Ils la délivrent de ses ennemis et, forts de la protection du sultan ottoman, l’entraînent avec eux dans la grande aventure de la Course. En peu de temps, la petite cité fondée par Bologhine devient la capitale d’un Etat. Elle s’imposera pendant près de trois siècles sur la Méditerranée.
et 3)Kheir-eddine Barberousse,
volent au secours de la belle en danger. Ils la délivrent de ses ennemis et, forts de la protection du sultan ottoman, l’entraînent avec eux dans la grande aventure de la Course. En peu de temps, la petite cité fondée par Bologhine devient la capitale d’un Etat. Elle s’imposera pendant près de trois siècles sur la Méditerranée.
Trois siècles de gloire et de fortune, durant lesquels
El Djazaïr ne cesse de croître et d’embellir. Sur les pentes du «djebel», la
partie haute de la ville, les maisons se multiplient. Comme les écailles d’une
pomme de pin, elles s’étagent de terrasse en terrasse et les ruelles en
escalier serpentent sous les murs qui s’enchevêtrent comme des voûtes ou des
tunnels. L’eau ruisselle sur les faïences des fontaines qui ornent chaque
carrefour.
Les minarets des mosquées dressent leurs innombrables
flèches dans l’azur, et, derrière leurs façades aveugles, les palais cachent
aux regards curieux leurs patios ensoleillés, leurs colonnes sculptées et leurs
cours pavées de marbre. Dans la grande rue des Souks, qui traverse de part en
part l’«outa», la ville basse, une foule cosmopolite s’affaire bruyamment :
bourgeois cossus, paysans des campagnes, femmes drapées dans leur haïk
immaculé, janissaires armés jusqu’aux dents, esclaves chargés de fardeaux,
corsaires et marchands étrangers qui font escale dans le port.
Dans les échoppes des orfèvres des tourneurs ou des
potiers, on discute et on marchande en arabe, en kabyle, en turc, et même dans
ce curieux sabir de la Méditerranée, qui est parlé dans tous les ports. Au-delà
des remparts, dans les faubourgs populeux, où les nomades venus du Sud dressent
leurs tentes, des troupes d’enfants déambulent parmi les ânes et les chameaux.
Sur les sentiers bordés d’aloès qui longent le rivage,
les dévots font pèlerinage aux petites coupoles des sanctuaires. Autour de la
baie, de jolies maisons de campagne se blotissent dans la verdure, un chapelet
de forts hérissés de canons s’égrène le long de la côte et, au sommet de la
ville, la vieille citadelle de La Casbah surveille.le port.
El Mahroussa, El
Djazaïr la «bien gardée», défie la mer !
Car c’est la mer qui, au long des siècles, l’a nourrie
de sa substance. Ville de corsaires, ville d’invasions et de conquêtes, mais
aussi ville de commerce et d’échanges, El Djazaïr a peu à peu absorbé tout ce
que la Méditerranée lui avait apporté au cours de son histoire. Bon ou mauvais,
elle l’a assimilé, emmêlé, confondu, et de ce tout elle a formé son vrai
visage. En elle l’Orient et l’Occident se confondent. Elle s’enrichit de leurs
contrastes ....
Mais à la fin du dix-huitième siècle, le mauvais sort s’abat
sur la cité des corsaires. La peste, la famine, les tremblements de terre et
les émeutes ont affaibli la ville que l’Empire ottoman n’est plus capable de
protéger, et lorsqu’en 1830 l’armée française débarque à Sidi Fredj, les
troupes vont la ruiner. Alors dans El Djezaïr envahie les destructions se
succèdent. On éventre ses ruelles, on rase ses remparts, on démolit ses palais,
on convertit ses mosquées, on transforme ses souks en «places d’armes»...
Amputée de toute sa partie basse, coupée de son port
par les nouveaux boulevards, défigurée par des constructions qui lui sont
étrangères, la ville mutilée se replie sur elle-même. Fière, elle attend
l’heure de sa revanche. N’est-il pas symbolique qu’elle se confonde avec sa
citadelle pour s’appeller désormais «La Casbah» ?
Car de 1954 à1962, c’est bien une citadelle, secrète
et impénétrable, qui, au cœur de la Révolution, offre au mouvement de
libération le refuge de ses rues enchevêtrées, de ses passages souterrains et
de ses terrasses communicantes. Malgré les barbelés qui la déchirent, malgré
les fouilles et les perquisitions, La Casbah assiégée poursuit sa résistance.
Avec une volonté farouche, elle redevient El Djazaïr...
La paix retrouvée et l’indépendance acquise,
l’ancienne cité aurait dû retrouver tout son lustre. Mais il n’en a rien été.
Noyée dans cet Alger moderne qu’elle a pourtant engendré, La Casbah n’est plus
qu’un quartier populaire, livré à la foule rurale, qui s’est engouffrée dans
ses murs.
Et la cité millénaire
n’a plus la force de résister à cet ultime assaut. Le temps a miné ses
fondements, l’histoire a ébranlé ses assises, l’oubli a englouti ses trésors.
Affaiblie et usée, sa texture fragile s’amenuise à chaque instant sous la
poussée violente des hommes et chaque jour s’écroulent sous nos yeux ces
prestigieux vestiges que le temps et l’histoire n’avaient pas réussi à abattre.
Aujourd’hui l’histoire de La Casbah n’est plus une
légende. La Casbah est en danger. Pour sauver ses murs délabrés qui conservent
la mémoire de son peuple et les souvenirs du passé, La Casbah livre sa dernière
bataille. Pour la gagner, elle ne demande qu’un peu d’amour et de respect.
Par C.
Chevallier
Historienne et auteure de plusieurs ouvrages sur La
Casbah d’Alger
Corinne Chevallier, née le 5 juillet 1935
à Alger, est une historienne et romancière algérienne d'origine pied noir. Elle est la fille de Jacques Chevallier, ancien maire d'Alger.
Elle fait partie des rares pieds noirs qui
ont adopté la nationalité algérienne à l'indépendance du pays. Elle vit
toujours à Alger.
De son mariage en 1954 avec Michel
Brac de La Perrière sont nés six enfants
dont Virginie Brac de La Perrière,
romancière et scénariste.
El Watan le 03.04.18
1)Bologhine ibn Ziri (arabe : بلقين بن زيري), de son nom complet Abou al-Foutouh Sayf al-Dawla
Bologhin ibn Ziri Es-Senhadji, est le fondateur de la dynastie des Zirides. Il règne sur l'Ifriqiya de 972, jusque sa mort, en 984.
2)Arudj Reïs (turc : Oruç Reis, arabe :
بابا عرّوج)
dit Baba-Oruç (turc : baba, père prononcé baba-oroutch) qui par déformation donna Barberousse (v. 1474, Lesbos - , Tlemcen). Corsaire renommé, il est proclamé
sultan d'Alger après ses faits d'arme contre les Castillans et considéré comme
le fondateur de Al Jazâ'ir : l’état d'Alger ou régence
d'Alger. Il acquit le surnom de Baba Arudj (père Arudj) après avoir
transporté les réfugiés musulmans d'Espagne vers l'Afrique du Nord. Il est mort en défendant Tlemcen contre
les Espagnols en 1518.
3)Khizir Khayr ad-Dîn (turc : Barbaros Hızır Hayreddin Paşa, arabe : خير الدين Khayr ad-dīn dit « Barberousse »,
fut un corsaire ottoman sous le règne
de Soliman
le Magnifique, ayant occupé les postes de beylerbey (gouverneur-général) de
la régence d'Alger et
de kapudan pacha (grand
amiral).
Né vers 1466 dans l'île de Lesbos, mort le 4 juillet 1546, il était le frère cadet d'un autre marin, Arudj Reïs
...A suivre
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