Ou l'ex- El Mahroussa
(Suite des précédents messages)
Journée nationale de la Casbah
Chronologie d’une mort programmée
Un patrimoine délabré, des habitants en danger : La Casbah
se meurt encore et encore...
L’ancienne citadelle ottomane, si elle a gagné les faveurs
du temps qui s’est figé sur les plus précieux joyaux du patrimoine
architectural algérois, n’a rien pu faire face aux atermoiements des hommes qui
ont gâché une médina et dont la Journée nationale était célébrée dans le
délabrement et la saleté.
Casbah Alger
C’est désormais le lot de la Casbah, bien qu’elle reste
toujours debout, présente et imposante, retenant dans chaque parcelle de ses
rues et dans chaque brique de ses murs l’histoire d’une ville et d’une
résistance. Plus contemporaine et moins tourmentée, la Casbah, c’est aussi
l’histoire du répertoire national de la musique de son «peuple».
Au-delà de l’aspect historique, culturel et sociologique que
soulève la Casbah, elle-même «capitale de l’histoire» lovée dans l’écrin de la
capitale Alger, elle se porte mal. Inscrite au patrimoine mondial de l’humanité
de l’Unesco depuis 1992, elle qui a été le berceau d’illustres figures
algéroises telles que Hadj M’hamed El-Anka, Moh Hocine Laâma, Bastandji,
Boudjemaâ El-Ankis, Alilou D’rabki… est en passe de finir par être son propre
tombeau, que cimentent jour après jour le laisser-aller des autorités locales,
la surpopulation et la «fatalité». Aujourd’hui, malgré les efforts
d’associations pour sauvegarder les vieilles pierres des maisons, rues et
ruelles… le plus vieux quartier populaire algérois a «mauvaise mine».
DES AMIS À LA RESCOUSSE !
Mais la Casbah peut encore compter sur ses «anges gardiens»,
des amis aussi improbables que tenaces ! Le 23 février dernier, date érigée en
une Journée nationale de la Casbah par le ministère de la Culture en… 1997,
semblait être fêté en tant que tel pour la toute première fois. Pour
l’occasion, l’association Les Amis de la Rampe, sous la houlette de son
président, Louni Arezki, a voulu marquer le coup en organisant une sortie
découverte et guidée de la Casbah au profit de citoyens désirant la découvrir
en quelques heures. Sans relâche, cette association œuvre, cœur et âme, pour
«redorer le blason de la Citadelle». Mardi dernier, avec comme invité de marque
le soleil, Louni Arezki a guidé ses hôtes dans les venelles de la Casbah. Point
de départ, le mausolée Sidi Abderrahmane «El Thaâlibi». Dans le groupe une
vingtaine de personnes, essentiellement des retraités, des fonctionnaires et la
presse, sur laquelle Les Amis de la Casbah comptent pour relayer largement
leurs initiatives, dans l’espoir de grossir leurs rangs et de sortir leur
mission de l’ombre.
QUE L’INVENTAIRE DU PATRIMOINE COMMENCE…
La narration historique était de rigueur. Première halte, la
médersa Thâalibia, attenante au mausolée. De style mauresque, d’abord école de
jurisprudence coranique, la médersa devient un établissement secondaire pour
les jeunes musulmans, à l’époque fédérés dans des mouvements estudiantins
proches de la résistance anticoloniale. «Elle fut complétée après la Seconde
Guerre mondiale, sur le plan de l’enseignement supérieur, par la création au
centre d’Alger d’un Institut d’études supérieures islamiques où les diverses
disciplines étaient enseignées suivant les méthodes en vigueur à la Faculté des
lettres et d’où sortirent des magistrats, des professeurs et des fonctionnaires
musulmans», raconte notre guide qui, pour initier l’étape suivante, nous mène
vers la rue Arbadji-Abderrahmane – ancienne rue Marengo –, connue pour son
marché couvert, son ancienne synagogue transformée en mosquée et, surtout, pour
être le paradis des pétards, feux d’artifice et fumigènes étalés sans complexe
et sans peur des édiles locaux.
A peine quelques mètres de la médersa, encore une halte au
numéro 25 : c’est dans cet immeuble de la rue Marengo que le maître du chaâbi
El Hadj M’hamed El-Anka a vécu pendant une quinzaine d’années entre 1944 et
1959. Une plaque commémorative apposée à l’entrée de l’immeuble en témoigne.
Notre guide nous raconte que la rue Marengo et la rue Randon, dont elle est le
prolongement, sont parmi les rares rues de La Casbah où peuvent circuler des
véhicules, à l’exception des rues qui se trouvent à la marge de la Basse-Casbah
telles que la rue de la Lyre ou la rue de Chartres. Ces deux rues la traversent
en son milieu depuis le marché couvert jusqu’à la Rampe Valée, coupant La
Casbah «en deux», la divisant en la Haute et Basse. Le «23» nous accueille.
C’est là que vit le doyen de la Casbah, celui que tous ici aiment appeler
«Didou», un octogénaire atypique et enfant de la citadelle. Sa particularité :
avoir eu l’ingénieuse idée d’embellir avec des pièces de céramique, de bris de
verre irisés et de morceaux de faïence hétéroclites la façade du hall d’entrée
et la cage d’escalier de son immeuble. Une très belle fresque réalisée par
Didou l’octogénaire…
Après en avoir visité l’ersatz, voilà que nous pénétrons
dans les entrailles de la vieille Casbah qui déroulent à nos pieds une très
longue rue qui monte jusqu’au boulevard de la Victoire, avant de finir sa
course à la rue Tombouctou et la rue des Abderrahmane, où se trouve notamment
le musée Ali-la-Pointe, héro de guerre, héro de «sa» Casbah, aux côtés de
Hassiba Ben Bouali, Zohra Drif, petit Omar et Yacef Saadi. Sauf que,
malheureusement, ce jour-là, le musée est… fermé. Notre vadrouille nous mène à
la rue Sidi-M’hamed-Cherif, connu également sous le nom de rue du Palmier.
C’est là que se trouve l’une des plus vieilles mosquées de la Casbah : Djamaâ
Mohammed-Ech-Chérif.
DES RUELLES TRANSFORMÉES EN DÉPOTOIR !
Fini la magie du lustre, de l’authenticité. La fresque
historique est brusquement interrompue par un état des lieux des plus désolants
: rues éventrées, murs fissurés, lézardés et noircis par l’humidité, un sol
jonché de déchets ménagers et de tertres de détritus, le tout «servi» dans une
atmosphère irrespirable à cause des odeurs nauséabondes. Inévitables, il n’est
pas possible d’esquiver, ni d’ignorer l’image de ces ruelles pittoresques transformées
en dépotoirs sauvages. Les visiteurs sont choqués par l’état des lieux. «Ce
patrimoine mériterait des rénovations durables parce que c’est une part
importante de notre culture nationale», s’indigne une sexagénaire. Le cœur
serré, la visite se poursuit tout de même. Et tant mieux ! Durant notre visite,
nous avons pu rencontrer Khaled Mahiout, un artiste. Un vrai. Rare même. Il a
fait de son métier, l’ébénisterie traditionnelle, une activité au service quasi
exclusif de la Casbah, son quartier d’El-Bahdja, Alger la Blanche. Il
contribue, à sa manière, avec les moyens qui sont les siens, pour que le vieil
Alger garde sa splendeur, son cachet de grande cité méditerranéenne. Un
quartier qui a résisté, et résiste encore, difficilement il est vrai, aux comportements
irresponsables de quelques-uns de ses habitants, aux intempéries mais, surtout,
au laisser-aller, voire à la démission non écrite des pouvoirs publics.
Mais La
Casbah est là, encore vivante. Debout !
Fayçal Djoudi
Le 21.02.16
*Illustrations Daboudj1948
...A suivre
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