lundi 1 février 2016

El Mahroussa...







Ou l'ex- El Mahroussa

(Suite des précédents messages)



Journée nationale de la Casbah
Chronologie d’une mort programmée

Un patrimoine délabré, des habitants en danger : La Casbah se meurt encore et encore...



L’ancienne citadelle ottomane, si elle a gagné les faveurs du temps qui s’est figé sur les plus précieux joyaux du patrimoine architectural algérois, n’a rien pu faire face aux atermoiements des hommes qui ont gâché une médina et dont la Journée nationale était célébrée dans le délabrement et la saleté.

 Casbah Alger

C’est désormais le lot de la Casbah, bien qu’elle reste toujours debout, présente et imposante, retenant dans chaque parcelle de ses rues et dans chaque brique de ses murs l’histoire d’une ville et d’une résistance. Plus contemporaine et moins tourmentée, la Casbah, c’est aussi l’histoire du répertoire national de la musique de son «peuple».
Au-delà de l’aspect historique, culturel et sociologique que soulève la Casbah, elle-même «capitale de l’histoire» lovée dans l’écrin de la capitale Alger, elle se porte mal. Inscrite au patrimoine mondial de l’humanité de l’Unesco depuis 1992, elle qui a été le berceau d’illustres figures algéroises telles que Hadj M’hamed El-Anka, Moh Hocine Laâma, Bastandji, Boudjemaâ El-Ankis, Alilou D’rabki… est en passe de finir par être son propre tombeau, que cimentent jour après jour le laisser-aller des autorités locales, la surpopulation et la «fatalité». Aujourd’hui, malgré les efforts d’associations pour sauvegarder les vieilles pierres des maisons, rues et ruelles… le plus vieux quartier populaire algérois a «mauvaise mine».

DES AMIS À LA RESCOUSSE !

Mais la Casbah peut encore compter sur ses «anges gardiens», des amis aussi improbables que tenaces ! Le 23 février dernier, date érigée en une Journée nationale de la Casbah par le ministère de la Culture en… 1997, semblait être fêté en tant que tel pour la toute première fois. Pour l’occasion, l’association Les Amis de la Rampe, sous la houlette de son président, Louni Arezki, a voulu marquer le coup en organisant une sortie découverte et guidée de la Casbah au profit de citoyens désirant la découvrir en quelques heures. Sans relâche, cette association œuvre, cœur et âme, pour «redorer le blason de la Citadelle». Mardi dernier, avec comme invité de marque le soleil, Louni Arezki a guidé ses hôtes dans les venelles de la Casbah. Point de départ, le mausolée Sidi Abderrahmane «El Thaâlibi». Dans le groupe une vingtaine de personnes, essentiellement des retraités, des fonctionnaires et la presse, sur laquelle Les Amis de la Casbah comptent pour relayer largement leurs initiatives, dans l’espoir de grossir leurs rangs et de sortir leur mission de l’ombre.

QUE L’INVENTAIRE DU PATRIMOINE COMMENCE…

La narration historique était de rigueur. Première halte, la médersa Thâalibia, attenante au mausolée. De style mauresque, d’abord école de jurisprudence coranique, la médersa devient un établissement secondaire pour les jeunes musulmans, à l’époque fédérés dans des mouvements estudiantins proches de la résistance anticoloniale. «Elle fut complétée après la Seconde Guerre mondiale, sur le plan de l’enseignement supérieur, par la création au centre d’Alger d’un Institut d’études supérieures islamiques où les diverses disciplines étaient enseignées suivant les méthodes en vigueur à la Faculté des lettres et d’où sortirent des magistrats, des professeurs et des fonctionnaires musulmans», raconte notre guide qui, pour initier l’étape suivante, nous mène vers la rue Arbadji-Abderrahmane – ancienne rue Marengo –, connue pour son marché couvert, son ancienne synagogue transformée en mosquée et, surtout, pour être le paradis des pétards, feux d’artifice et fumigènes étalés sans complexe et sans peur des édiles locaux.
A peine quelques mètres de la médersa, encore une halte au numéro 25 : c’est dans cet immeuble de la rue Marengo que le maître du chaâbi El Hadj M’hamed El-Anka a vécu pendant une quinzaine d’années entre 1944 et 1959. Une plaque commémorative apposée à l’entrée de l’immeuble en témoigne. Notre guide nous raconte que la rue Marengo et la rue Randon, dont elle est le prolongement, sont parmi les rares rues de La Casbah où peuvent circuler des véhicules, à l’exception des rues qui se trouvent à la marge de la Basse-Casbah telles que la rue de la Lyre ou la rue de Chartres. Ces deux rues la traversent en son milieu depuis le marché couvert jusqu’à la Rampe Valée, coupant La Casbah «en deux», la divisant en la Haute et Basse. Le «23» nous accueille. C’est là que vit le doyen de la Casbah, celui que tous ici aiment appeler «Didou», un octogénaire atypique et enfant de la citadelle. Sa particularité : avoir eu l’ingénieuse idée d’embellir avec des pièces de céramique, de bris de verre irisés et de morceaux de faïence hétéroclites la façade du hall d’entrée et la cage d’escalier de son immeuble. Une très belle fresque réalisée par Didou l’octogénaire…
Après en avoir visité l’ersatz, voilà que nous pénétrons dans les entrailles de la vieille Casbah qui déroulent à nos pieds une très longue rue qui monte jusqu’au boulevard de la Victoire, avant de finir sa course à la rue Tombouctou et la rue des Abderrahmane, où se trouve notamment le musée Ali-la-Pointe, héro de guerre, héro de «sa» Casbah, aux côtés de Hassiba Ben Bouali, Zohra Drif, petit Omar et Yacef Saadi. Sauf que, malheureusement, ce jour-là, le musée est… fermé. Notre vadrouille nous mène à la rue Sidi-M’hamed-Cherif, connu également sous le nom de rue du Palmier. C’est là que se trouve l’une des plus vieilles mosquées de la Casbah : Djamaâ Mohammed-Ech-Chérif.

DES RUELLES TRANSFORMÉES EN DÉPOTOIR !

Fini la magie du lustre, de l’authenticité. La fresque historique est brusquement interrompue par un état des lieux des plus désolants : rues éventrées, murs fissurés, lézardés et noircis par l’humidité, un sol jonché de déchets ménagers et de tertres de détritus, le tout «servi» dans une atmosphère irrespirable à cause des odeurs nauséabondes. Inévitables, il n’est pas possible d’esquiver, ni d’ignorer l’image de ces ruelles pittoresques transformées en dépotoirs sauvages. Les visiteurs sont choqués par l’état des lieux. «Ce patrimoine mériterait des rénovations durables parce que c’est une part importante de notre culture nationale», s’indigne une sexagénaire. Le cœur serré, la visite se poursuit tout de même. Et tant mieux ! Durant notre visite, nous avons pu rencontrer Khaled Mahiout, un artiste. Un vrai. Rare même. Il a fait de son métier, l’ébénisterie traditionnelle, une activité au service quasi exclusif de la Casbah, son quartier d’El-Bahdja, Alger la Blanche. Il contribue, à sa manière, avec les moyens qui sont les siens, pour que le vieil Alger garde sa splendeur, son cachet de grande cité méditerranéenne. Un quartier qui a résisté, et résiste encore, difficilement il est vrai, aux comportements irresponsables de quelques-uns de ses habitants, aux intempéries mais, surtout, au laisser-aller, voire à la démission non écrite des pouvoirs publics. 

Mais La Casbah est là, encore vivante. Debout !

Fayçal Djoudi
 Le 21.02.16 
*Illustrations Daboudj1948




 ...A suivre






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